mardi 23 février 2021

Aletheia

Voici tous les articles "hors-ligne", rédigés entre 2005 et 2017. Je les poste tels quels, sans corriger les coquilles, sans leur donner de fin, bruts. Certains n'ont qu'un titre.

Tout est pareil et tout a changé

05/03/2017 @ 21:14:17

Nous sommes Marcia Baila
Les cracheurs de feu de l'enfance
Le trajet qui n'en finit pas
Et la banquette arrière immense
Nous sommes Riverside Park
Les pelouses dans les centre-ville
Nous sommes les beaux jours qui débarquent
Nous sommes les amours imbéciles
Nous sommes le soleil blanc
Juste en sortant du cimetière
Le boulevard après l'enterrement
Les visages pâles dans la lumière
Nous sommes la fin d'été
La chaleur les soirs de retour
Les appartements retrouvés
La vie qui continue son cours
Nous sommes les yeux les larmes
En retrouvant trente ans après
Sur notre enfant les mêmes alarmes
Pour les choses qui nous alarmaient
Nous sommes la vie ce soir
Nous sommes la vie à cet instant
Et je te suis sur le trottoir
Et je te regarde à présent



Les chemins de la rage

16/03/2016 @ 15:23:34

Le hasard, les chemins qu'on déroule sans en être consciente, mènent tous à Rome. "Je suis, je veux" n'exprime qu'un présent imparfait, toujours sur le point de révéler quelque chose. Hypnotisée par des cours de philosophie



Stupeur et tremblements

08/03/2015 @ 20:21:01

Alors c'est ainsi que tout commence et que tout s'achève. Quelle stupeur de découvrir sa lumière lorsqu'on vient au monde, quels tremblements doivent nous affecter lorsque l'on en sent la froideur. Avec stupeur et tremblements.



La paix est un plat qui se mange froid

20/03/2014 @ 00:31:25

Certaines personnes ont un talent



"On ne change pas" (de la permanence des êtres)

08/11/2013 @ 21:47:13

a



No human is an island

22/03/2013 @ 05:21:19

Personne nest une ile. Personne nest a labri de rien. Personne nest etanche a ce qui lentoure. Evidemment pas moi pour commencer. La sage-femme a dit "les femmes enceintes sont des eponges, elles absorbent toutes les motions autour delles". Et quand on est deja une eponge ? Comment ca de passe ? Surtout, une eponge dun type un peu special. Jai grandi n ignorant quon pouvait exprimer ses emotions, et a part pour des animaux, ou si ma mere mengueulait, rien ne me faisait pleurer devant dautres personnes. Jetais unn char blinde qui a donne un monstre froid plus tard. Parfois je vois des.gens proches Se plaindre, etre tristes, parfois vraiment tristes. Et la Seule chose qui me vient en tete , cest "mon coco/ma cocotte, si moi jarrive a retenir mes emotions en ce moment, tu ne vas pas commetre lindecence dexprimer les Tiennes". Mon mepris face aux effusions emotionnelles na degal Que mon incapacite fondamentale a en faire autant. Ca paraitra paradoxal mais cest precisement ca qui ait que je suis une ponge. Plusje serai en peesence demotions que je narive pas a.exprimer moi meme et plus je me.blinderai et Renfermzrai tout en moi. Le drame dune vie, se croire sur une ile maiss etre tellement ouverte aux quatre vents que je suis incapable de recevoir les emotions exterieuresen les.canalisznt. Personne nest une ile, pas meme ceux qui vivent avec moi. Pas meme mon amoureux.



Les rescapées

19/01/2013 @ 08:01:28

Alors en fait, dans la vraie vie, les gens ne meurent pas. Je viens a linstant de men rendre cimpte. ou en tout cas pas si facilement, pas si rapidement, pas si violemmennt, pas si bêtement. Personne ne se suicide en fait. Langoisse qui ma tenu lieu de mode de vie si longtemps



Sebastian

13/12/2012 @ 02:32:52

Mon amour, Tu sais déjà que je t'aime, car je te le répète chaque jour. Tu sais moins pourquoi, et après tout, ça pourrait ne pas être important : pourquoi chercher à comprendre un sentiment aussi beau et aussi simple, qui n'a même pas besoin d'être analysé pour être fort ? Peut-être tout simplement pour le plaisir de raconter quelques histoires en vrac, parler de moi (mais en réalité, mon amour, c'est de nous que je parlerai à chaque phrase, car moi, c'est un peu toi). Dans ma vie secrète-pas-si-secrète-car-je-te-le-dis, j'écris de temps en temps sur un blog, que je tiens depuis plus de sept ans. Les deux années avant de te rencontrer, sur ce blog, j'ai joué toutes les variantes possibles et imaginables de la complainte de la solitude. J'ai même poussé le vice jusqu'à décrire comment serait la personne idéale pour moi, tout en ironisant sur l'impossibilité de répondre à ces critères. Mais tu devines ce que je m'apprête à ajouter : cette description non seulement te correspond, mais est même bien en-deçà de tout ce que j'aime en toi. J'espérais l'infini, tu es l'infini et au-delà. Disney peut aller se rhabiller. Mais je ne vais pas tomber dans le piège que je me suis souvent tendu, à savoir exprimer quelque chose de personnel mais pour le rabaisser aussitôt et le tourner en ridicule. Si j'ai "joué la complainte de la solitude", c'est parce que



Le jour où j'ai préféré dormir

03/06/2012 @ 09:03:36

S'endormir, c'est l'angoisse. Se réveiller, c'est l'enfer. Toute l'enfance, chaque matin d'école sans faillir, j'ai envoyé bouler mon père qui venait me réveiller, armé de peluches, d'histoires, et de douceur. Mais je finissais par me réveiller, quand-même.
Au final, mon côté pile électrique prenait le dessus. Jusqu'en prépa. Malgré les nuits blanches, malgré les nuits courtes, malgré toute la fatigue que je traînais, je voulais me réveiller. C'était l'évidence, de toute façon, je n'avais "pas le choix".

En fait, insidieusement, certains jours, le non-réveil me susurrait des mots doux depuis l'oreiller, rendors-toi, tu as ouvert l'oeil, mais tu peux le refermer. Assez rarement en prépa, et de plus en plus souvent après. J'ai commencé à préférer dormir que faire n'importe quoi d'autre, jusqu'à faire des micro-siestes en journée avant de retourner donner mes cours. La sieste. "LOL" comme on disait en 1999.
Dormir avec quelqu'un d'autre ne m'a pas réussi. Quand j'étais avec Bianca, j'arrivais encore moins à m'endormir, encore moins à me réveiller. Je ne compte pas les matins où j'ai séché des séminaires parce que je ne pouvais me résoudre à quitter le lit où j'étais si bien installée.



La veilleuse

19/02/2012 @ 23:28:06

Il paraît que, dans la Bible, un passage dit que Dieu laisse une lumière allumée en chacun, histoire de ne pas écraser la gueule de quelqu'un qui serait déjà dans la merde. J'aime bien cette idée. Pas juste parce que je suis une catho refoulée. J'aime bien l'idée de l'espoir, étant moi-même une abrutie d'optimiste : je suis née avec la promesse de l'aube, et c'est cette aube qui me sert de veilleuse quoique je fasse, quoiqu'il arrive.



La Superbe

15/01/2012 @ 13:43:52

Elle danse dans sa robe blanche volante. LaSuperbe virevolte et m'entourloupe par sa beauté.



Le silence

21/09/2011 @ 17:17:28

Devant le Graal, après Phèdre. Il s'impose parfois comme un acteur à part entière de l'histoire ou de l'Histoire. Je trouve qu'il n'y a rien de plus significatif que les silences, comme ceux des femmes que j'avais entretenues pour mon enquête de terrain, sur la manière dont elles étaient arrivées en France. Un blanc, une ellipse, un détournement de question. Le silence de moi à côté de toi, ça veut souvent dire qu'il n'y a rien à ajouter.



L'ennemi principal

12/07/2011 @ 03:01:14

J'apprends à créer des Patronus. Pour ça, j'ai toute ma mémoire et tout mon imaginaire à disposition. La pleine bulle qui remplit mon esprit est si solide que rien ne peut la dégonfler. It feeds on my memories and is fueled with my imaginaire, et il faut bien ça pour lutter contre le chien noir qui débarque à l'improviste, tel le plus fourbe des dementors.
Un ballet de multiples Patronus joue dans ma tête, que je lance les uns après les autres à la poursuite du chien noir. Je me demande ce qui marchera et ce qui ne marchera pas, dans toute l'étendue des sentiments à ma disposition. Sur le dos, la tête en arrière, je nage sous les étoiles en prenant les "dimensions de l'univers". Les souvenirs des fois où j'ai pu nager sous les étoiles me reviennent. DJerba, Aix. Ces moments figés dans le temps trouvent une vie improbable dans mon esprit, où ils servent à cristalliser la fin de l'enfance... et les débuts de l'adolescence. Je rejoue ces scènes. Je sais qu'elles abritent quelque chose. Une huître n'aurait pas plus de secrets. Mon Patronus doit être bien caché par là, mais J'ai cherché, en même temps qu'Harry dans la retrospective au Rex, mon souvenir le plus heureux. Celui qui me ferait le Patronus le plus efficace. J'ai séché. Pas moyen de mettre la main sur UN souvenir précis, je n'ai que des étendues de souvenir. Pas l'intensité de la cascade, mais la longévité du fleuve. Pas faute d'avoir remué la poussière dans les moments les plus improbables : sur le dos, la tête en arrière, je nage sous les étoiles. Les souvenirs des fois où j'ai pu nager sous les étoiles me reviennent. Djerba, Aix. Ces moments figés dans le temps trouvent une vie improbable dans mon esprit, où ils servent à cristalliser la fin de l'enfance et les débuts de l'adolescence. Chien noir et dementor traînent dans les parages depuis 10 ans. L'ennemi principal est très bien caché, c'est Nothomb qui l'a dit. Mais j'ai choisi de m'y attaquer. Ce n'est pas une guerre contre moi-même, c'est une guerre contre ce passager clandestin qui n'a rien à faire en moi. Les termes du conflit et les alliances seront sûrement modifiées en cours de route, je m'y attends. Mais Robinson doit crever.



"Bonne fête maman ?"

31/05/2011 @ 16:06:10

J'avais un énorme bouquet de fleurs dans la main droite et une attention toute particulière au contenu des gâteaux. "De la nougatine, s'il vous plaît. Pas de café, par contre ! Vous êtes sûre, il n'y a pas de café dans ce gâteau ?". Au moment mettre le cygne dans la boîte, la boulangère m'a demandé " 'Bonne fête maman' ?". J'avais la tête de la bonne fille, à tel point qu'elle m'a fait crédit des 20cts manquants. Comme à la petite fille qui n'a que 2€ pour offrir une rose à sa maman.



A rock steady vibe

16/05/2011 @ 16:11:02

Il y a environ deux ans, j'ai commencé à écouter en boucle la même chanson pendant des heures et des heures d'affilée. Même encore aujourd'hui, son refrain me berce, me rappelle l'été et me sert de méthode Coué.
Je me souviens des promenades et des heures passées au soleil à l'écouter. La voix de Gwen Stefani m'accompagnait vers la sortie des limbes post-rupture. Il faisait chaud, j'allais emménager dans mon appart, j'allais passer un mois aux Etats-Unis. La voix de Gwen Stefani était belle. Je me demandais comment ressusciter après avoir échoué à vivre avec quelqu'un. Gwen Stefani m'a répété quelques centaines de fois "a real love survives a rock steady vibe".
Sur fond de soleil, on croit à tout.

En réalité, il ne suffit pas d'aimer les gens. Ca serait beaucoup trop simple.

J'écoutais une chanson de Bob Dylan, aussi, en alternance avec les boucles de Rock Steady. Je voulais tant, moi aussi, m'en retourner "to the queen of spade". Beauté de la fidélité... J'ai aimé pour la vie, pas que la "queen of spade", et j'ai parfois l'impression que je ne pourrai jamais plus aimer personne d'autre. Les autres, des figurants, du flan, du néant. Je reste bloquée dans le passé.

En réalité, on peut avancer, aimer à nouveau, mettre de l'ordre dans tout ça ?

Je tente le principe de réalité depuis des années, en essayant, en donnant leur chance à d'autres, mais rien ne marche. Il faut croire que je m'y prends bien mal.



La racine du mal #2

26/04/2011 @ 04:14:19

Moi, je crois à Freud, tout ça, Lacan, ces gens-là. Un peu bizarres. Un peu bizarre, moi aussi. Moi je crois à la psychanalyse, parce que, attention à la formule complètement cliché mais au secours je fonce dedans, ça m'a sauvé la vie.

J'ai eu un jour où j'ai voulu mourir. J'ai pas eu besoin de Google pour savoir comment. C'est instinctif ce genre de choses, je savais la dose, je savais la vitesse, je savais la hauteur. Toute la cube et longtemps après, même longtemps avant en fait, ça a duré. Je me suis projetée mentalement contre tous les RER, depuis tous les ponts au-dessus de toutes les autoroutes, et j'en passe. J'ai pris mentalement les cachets de ma mère, j'ai fait peur réellement à mon père. J'ai tailladé mes bras, j'ai fait peur à personne. J'ai imaginé les gens autour de mon lit d'hôpital, je me suis effrayée moi-même ("at least you scared someone").

Le suicide. C'est le nom que ça porte. C'est l'obsession d'une vie. Ca.
Ca qui me réveille en pleine nuit en septembre. Ca qui obsède mes plus proches. Ca qu'on m'envoie par textos. Ca que j'ai choisi pour porter ma culpabilité.

Je crois à Freud, tout ça, j'ai dit. Y'a une raison, bien précise : sans l'inconscient, "ça" n'a pas de sens. Si je vis accompagnée du suicide, bien gentil à mes côtés, c'est parce qu'une culpabilité originelle nourrit cet animal faussement domestique. Maman et moi. Papounet et moi. Oedipe, Electre, whatever ya callin' it. Y'a quelque chose par là. Je sais que la clé du mystère existe quelque part en moi.
Je me suis jamais dérobée, j'ai jamais cru être innocente dans cette histoire. Les flics me poursuivent dans tous mes rêves, mais évidemment j'ai dû commettre un crime atroce, atridien, oedipien. J'ai dû tuer ma mère et coucher avec mon père, à tous les coups. Elle est là, la racine du mal.
Savoir ça, c'est comme connaître la fin avant d'avoir lu le livre. La psychanalyse, au fond, elle mène toujours à ce putain de cliché. Oedipe niksamère. Un jour, je lirai le livre, parce que je veux savoir comment pourquoi. Je veux savoir pourquoi j'ai su dès l'enfance que ma mère était un danger pour elle-même, je veux savoir pourquoi j'ai retenu depuis le fond de l'enfance le jour où mon père a dit "se suicider, c'est lâche", je veux savoir comment j'ai capté l'attention de mon père en agissant comme ma mère.

Ca pue, hin ? C'est ça, bienvenue dans l'inconscient. C'est sombre et humide, glauque à souhait, poisseux. A peine tu touches un mur, ça te colle aux doigts, ça s'enlève pas. Tu peux plus oublier ce que t'as découvert. Tout a une raison dans l'inconscient, même et surtout le suicide : ça n'est pas lié au degré de douleur, ça vient d'ailleurs. Quand j'ai compris ça, j'ai connu le soulagement.
Mais ouais, je sais, quelques lignes plus haut, j'ai dit "animal faussement domestique", parce que je ne me fais pas d'illusions : ça m'a fait plaiz de visiter l'inconscient, pour autant j'ai pas encore trouvé comment déloger le squat des idées suicidaires. Squat structurel, squat conjoncturel. Le premier fut soulagé par le début d'analyse. Le second est beaucoup plus violent, sauvage, me prend à la hussarde sans que je m'y attende, à chaque rupture. Y'a pas plus tard que 2 jours.

La racine du mal, on peut la déloger. C'est pas nous, c'est pas toi, c'est pas moi. C'est quelque chose DANS nous. Un truc qu'on n'a même pas fait exprès de faire. Moi j'suis un peu chrétienne dans le fond, ma psy c'est mon messie, sauvez-moi du pêché originel, je vous en prie.
Le pardon, c'est pour ça. La rédemption, je l'accorde aux autres, parce que je meurs d'envie qu'on me l'accorde. C'est ce qui m'a permis de trouver un équilibre acceptable, en attendant de replonger dans l'inconscient.

Ce message n'a aucune cohérence, aucune logique, aucun ordre, les paragraphes correspondent à que dalle, à peine si je vois le rapport à l'intérieur même des phrases. J'ai réécrit 7537635 fois les dernières lignes, sans trouver comment conclure. Peut-être qu'en fait, y'a pas de conclusion. Je t'ai juste vendu ma vie et ma manière de vivre avec notre ami le suicide, parce que je crois que j'y réussis pas trop mal.



Silence, je tourne.

21/03/2010 @ 00:33:43

Ce clavier m'a manqué. Mes mains m'ont manqué. Les chocs contre les touches m'ont manqué. J'avais oublié à quel point il était si facile d'écrire sur un clavier. Marteler ma pensée de cette façon me semble tellement plus facile que jouer la souplesse des lèvres et de la langue. Je prends bien plus au sérieux ce que je ne peux taper en riant : pas question de prendre des intonations ironiques, de me caricaturer en parlant, de cacher mon chevrotement par des rires. Pas question de cacher quoique ce soit, puisque mon corps ne me trahit pas en écrivant.
Puisqu'au fond, le problème, c'est bien la trahison de ce corps. Je ne peux rien dire sans montrer mes vrais sentiments, ceux que je ne peux pas laisser apparaître, puisque je ne donne prise à personne. Ou plutôt je ne veux donner prise à personne.

Depuis que je suis enfant, j'ai appris à ne jamais laisser personne me blesser. D'où me vient cette idée que je peux me mettre en danger si je dévoile mes sentiments ? Je n'ai jamais confié de secret à personne quand j'étais petite, à la maternelle. En primaire, j'avais dit à quelques copines que j'étais amoureuse de Christopher, et elles ne m'ont jamais trahie, même si la nouvelle avait fini par s'ébruiter par de nombreux autres moyens. Mais déjà, en primaire, je n'aimais pas montrer ma tristesse. Je crois qu'être amie avec Sana a joué un rôle là-dedans, dans la construction de cette putain de fierté et d'orgueil qui nous ont bien desservies. On serait mortes plutôt que de dire à l'autre qu'elle nous manquait et qu'on voulait jouer de nouveau avec elle. Tête haute, cache ta peine et va jouer ailleurs. Joue la colère plutôt, tu auras l'air plus forte qu'elle. Depuis, je n'ai jamais cessé de jouer la colère pour masquer tous ces moments où la tristesse dominait.

Au collège, je préférais être en colère contre les filles qui passaient leur temps à se moquer de moi, plutôt que reconnaître qu'elles me faisaient de la peine. Être blessé, c'est pour les faibles. C'est pour les faibles ? Quelque chose me repoussait, et me repousse toujours, profondément quand les gens expriment de la tristesse, quand quelqu'un montre qu'il est blessé. En primaire, ceux qui pleuraient le plus étaient ceux dont on se moquait le plus. Ca ne m'a pas échappé. Personne n'aime les pleurnichards, et j'en ai déduit que personne n'aimait la tristesse et surtout pas moi. The worst thing I could do is to cry in front of you. Parce que je sais bien comment je considère les personnes montrant de la tristesse, parce que je sais bien comment je les trouve dignes de mépris, j'ai toujours eu peur qu'on me voit de la même manière s'il me venait à l'idée de dire "je ne me sens pas bien". Peur de donner prise à la méchanceté des autres. S'il y a une chose que je sais, c'est que toute personne est capable de cruauté, capable de frapper là où ça fait mal, et sous prétexte que ça peut arriver, même rarement, j'étends mes règles de sécurité à tous.
Dans le fond, je n'ai jamais cherché de ressources en moi pour affronter cette peur. J'aurais pu me dire que j'avais tel ou tel atout en moi, suffisant pour résister en cas d'attaques, mais non. Non, je n'ai rien en moi qui me permette de résister. En tout cas, je n'en ai jamais fait la liste. Pourtant, concrètement, aujourd'hui, je me montre souvent plus résistante à certaines remarques que beaucoup de mes amis : aucune attaque sur mon physique ne peut me vexer, je trouverais plutôt le moyen d'en rire et de retourner toute méchanceté contre la personne ayant cherché ou non à me blesser ; je me sens rarement coupable de quoique ce soit, il est donc peu probable que quelqu'un use de cette corde ; malgré ma panne scolaire depuis plus de 2 ans, mon bon parcours de la primaire à la prépa me sert souvent de rempart quand j'ai peur qu'on se moque de mes études. Je pourrais faire une liste comme ça de ce que je sais avoir en moi. J'ai besoin de cette liste.

Mais encore une fois, je ne sais pas le formuler correctement. Avoir un parcours scolaire dont je suis fière n'est pas "en" moi. Ce qui a été en moi, c'était le moteur pour courir après ces résultats, après ces notes, après ces appréciations. Ce qui a été en moi, c'est l'énergie pour courir après la reconnaissance de mes profs. Si je ne l'avais pas eue, je ne suis pas sûre que j'aurais pu avoir ces résultats.

Oui, en réalité, je pourrais reprendre chacun des "atouts" dits plus hauts, afin de les démonter ainsi en dévoilant leur vraie nature : il n'y a rien "en" moi, je ne fais que m'accrocher à ce que les autres me donnent. Mes professeurs m'ont donné de l'estime et de la reconnaissance, parfois même de l'affection. Mes amis, mes parents, ma famille, mes partenaires m'ont donné un regard sur mon corps qui me permet de dire aujourd'hui "j'aime l'apparence de mon corps". Et je pourrais continuer la démonstration longtemps. The bottom line is, je ne m'attribue que ce que les autres daignent m'attribuer. Je ne croirais pas en ma propre existence si on ne me remarquait pas.

Alors, le rapport avec le silence devant le Grâal ?
C'est peut-être que je refuse de dire "je suis triste" parce que je ne veux pas laisser aux autres le pouvoir de m'enfermer dans cette tristesse. Puisque j'attribue aux autres le pouvoir de faire en sorte que je me trouve moi-même belle ou intelligente ou gentille, je dois bien leur attribuer aussi le pouvoir de faire en sorte que je me trouve triste ou vexée ou seule. Et dans ce cas, si je leur donne cette capacité, comment surmonter la tristesse qu'ils verront en moi ? Je n'ai rien en moi pour la contrer !
Je n'ai rien, pas la moindre cellule en moi qui serait capable d'affronter l'étiquette "triste".

Bien sûr, il est facile de dire "ce n'est pas ce que les autres pensent que tu ressens qui compte, mais ce que tu ressens toi-même". Bien sûr, c'est si facile. Mais moi, moi, je n'existe pas si on ne pense rien sur moi. Je suis comme ces personnages de Fantasia : ils disparaissent si on les oublie, il faut penser à eux, il se modèlent d'après la façon dont les lecteurs les imaginent, ils n'ont aucun pouvoir si on croit qu'ils n'en ont aucun, ils ne sont que ce qu'on fait d'eux.
Encore une fois, il est si facile de dire "tu n'es que ce que TU fais de toi-même et personne ne doit entrer dans cette construction". Et il est évident que j'ai construit des choses moi-même, où je n'ai fait intervenir personne. J'ai fait des voyages pour lesquels je n'ai fait appel à rien de pré-existant : aucun prof ne m'avait complimenté dessus, personne de ma famille ne m'a jamais encouragée là-dedans, et aucun de mes amis ne m'a jamais vue comme une baroudeuse. J'ai trouvé l'envie de partir, le courage d'affronter ça seule ou avec quelqu'un, j'ai trouvé tout cela et bien plus en moi. Je l'ai trouvé dans ma rage, ma peine et tout ce que je n'exprime jamais, justement. Mes voyages sont nés de ce que j'avais de plus fort en moi, de ce qui criait à la délivrance. C'est pour cela qu'ils tiennent, et continueront de tenir : ils se sont servis de la peine, qui sera toujours là no matter what.
Le reste n'est bâti que sur du sable. C'est parce que mes études ne viennent de rien en moi que je suis en panne. Profs partis, parents qui se désengagent, le château de cartes s'est effondré. Ca n'a rien à voir avec le fait d'aimer ou pas les études. J'aime apprendre, mais étudier nécessite de transformer quelque chose en soi, de se servir de quelque chose en soi qui ne demande qu'à sortir. Pour certains, c'est sortir de leur milieu social, pour d'autres ça sera crier à leur parents qu'ils peuvent être aussi ambitieux qu'eux. Pour moi, ça ne correspondait à rien d'autre qu'à me faire plaisir en recevant des compliments.
Je suppose que si la figure-repoussoir de la fille complexée par son physique, incarnée par la plupart de mes amies, venait un jour à ne plus être efficace pour moi, et bien je ne saurais plus comment me regarder dans un miroir pour me trouver belle. C'est cette figure-repoussoir dont je me sers pour me dire "je ne dois pas penser comme ça".

Et comment je dois penser ? Comment je dois me construire par-rapport à moi-même ? La seule chose que je me répète depuis quelques temps, quelques mois peut-être, c'est que je serai toujours triste. Je le serai toujours, c'est ce que j'ai découvert en cube. J'ai découvert toute cette partie noire noire noire qui existait, cette partie qui veut mourir pour de vrai, même pas du chiqué né d'un chagrin d'amour. Non. Comme à peu près tous les adolescents, je me suis dit que je voulais me jeter d'une chaise le jour où j'ai vécu mes premiers chagrins d'amour. Mais il aurait suffi de gratter un peu pour éliminer la couche de suie sur l'arc-en-ciel. Même avoir aimé "Voyage au bout de la nuit" en hypokhagne ne me faisait pas approcher de ce que j'ai approché en cubant. Le jour où j'ai cubé, c'est tout l'arc-en-ciel qui a changé de couleur. Je ne sais pas pourquoi, je sais juste qu'au sortir de la cube, j'ai réalisé très violemment tout ce qui me faisait mal. J'ai compris uniquement plus tard que ça ne s'arrêterait probablement jamais de me faire mal. Que je devais construire quelque chose à partir de ça, dont les voyages.
J'extériorise beaucoup mes voyages, je les prends en photo, je les montre, j'en parle, oui définitivement j'ai trouvé un moyen de dire "j'ai mal" sans vraiment le dire. Je dis "je voyage" à la place. Mais ça ne suffit pas. J'aimerais pouvoir dire "j'ai mal" sans attirer des regards de compassion, ni même effrayer les gens.

Mais pouvoir dire ça ne serait que le début. Ca ne me dirait pas comment construire à partir de là, et construire autre chose que des voyages. Je ne peux pas construire mes études sur ma peine ou ma rage. Je ne sais pas ce qui existe en moi pour mes études. Est-ce-qu'il existe seulement quelque chose ? Et puis, qu'ai-je en moi pour vivre une relation à deux ? Pour que je n'aie pas besoin de m'accrocher à des stupides remparts de sécurité, pour que je n'aie pas besoin de tous ces gadgets qui m'ont manqué quand j'étais avec Bianca.
Mais peut-être qu'en fait, pouvoir dire "j'ai mal" permettrait très simplement ensuite de tout construire à partir de là. Peut-être que les choses s'enchaînent vraiment. Peut-être que je saurais vraiment m'attribuer mes propres pouvoirs et pas aller chercher ceux que les autres me donnent.

Ce qui est bien avec ce genre de réflexion, c'est que de toute façon, n'ayant jamais essayé la solution potentielle, je ne risque pas de savoir si elle est efficace. Il faudrait d'abord sortir du cercle dans lequel je tourne depuis si longtemps.




At last the secret is out

15/01/2007 @ 02:11:16

At last the secret is out,
as it always must come in the end,
the delicious story is ripe to tell
to tell to the intimate friend ;
over the tea-cups and into the square
the tongues has its desire ;
still waters run deep, my dear,
there's never smoke without fire.

Behind the corpse in the reservoir,
behind the ghost on the links,
behind the lady who dances
and the man who madly drinks,
under the look of fatigue
the attack of migraine and the sigh
there is always another story,
there is more than meets the eye.

For the clear voice suddenly singing,
high up in the convent wall,
the scent of the elder bushes,
the sporting prints in the hall,
the croquet matches in summer,
the handshake, the cough, the kiss,
there is always a wicked secret,
a private reason for this.

(Wystan Hugh Auden)




Les habitudes

14/01/2007 @ 19:27:28

Les bonnes et les mauvaises habitudes. Un peu comme dans "A notre santé" de Bénabar, moi j'ai plutôt les mauvaises habitudes. Enfin, j'ai des milliers d'habitudes, de manies, voire de lubies. Les routines lénifiantes, et les habitudes rassurantes, celles dont je dirai plus tard "Avant, je faisais.." en ayant l'air de regretter un âge d'or.



Eternal Sunshine Of The Spotless Mind

21/10/2006 @ 16:02:04

Ma tâche va être ardue. Comment expliquer que tout va bien ? Je pourrais chipoter, et arguer que mon seul problème est un problème de taille, mais je n'en ai pas envie. Chacun sa croix, comme dirait l'autre, donc basiquement on s'en fout.
Ce qui compte, c'est ce qui va suivre.

Ce qui compte, c'est que je suis devenue le titre de ce blog : un kaléidoscope, une vraie machine à couleurs.
Essayons d'être rationnelle pour expliquer de façon claire que Ma vie a changé : l'important c'est le temps, l'important c'est les gens, l'important c'est l'espace, n'est-ce-pas ? Et ces trois horizons principaux, le triangle de ma vie, sont nés à partir de la prépa.

La prépa, parlons-en. Un joli phénomène, de cuber. On se lance dedans sans trop savoir pourquoi, et on finit par y tenir comme à la prunelle de ses yeux. Heureusement que j'ai eu cette idée saugrenue, même dans une autre spécialité, même dans un autre lycée que ma première khâgne. L'espace-cocon, ce lycée. J'y évolue comme dans ma chambre, tant je m'y sens à l'aise.
Grâce à la prépa, mon monde a pris les dimensons de l'Univers, et seuls les TL qui ont eu leur bac en 2004 et 2005 devraient comprendre le détournement de citation. La TL, une référence que je n'ai pas prise au hasard, la TL mon trampoline grâce auquel je me suis propulsée directement au pays des merveilles (sans le "ou pas" de Lorane !). Le pays des merveilles, la prépa. L'évidence de l'enchaînement, entre TL et aujourd'hui, entre case "terre" et case "ciel".

Et comme le ciel est infini, mon monde aussi a fini par le devenir. Pas toujours grâce à la prépa d'ailleurs : des fois, toute seule comme une grande, j'ai fait connaissance avec certaines personnes -Julien ou Margaux, pour ne citer qu'eux ; d'autres fois, mes amitiés nées avant l'hypo ont été assez fortes pour survivre aux moments sombres de l'adolescence. Et à chacune de ces personnes correspond une nouvelle porte d'entrée sur un monde différent.
Mes amitiés sont fractales, pour emprunter un langage dont je n'ai pas l'habitude. Je me plais à parler de mondanité, tout en sachant que ça n'en est pas pour moi. J'aime porter mes pas en des lieux nouveaux, des lieux de vie qui ne sont pas la mienne et où, pourtant, je suis la bienvenue.
J'ai passé l'année précédente à dormir ailleurs que chez moi, à tel point que j'en avais fini par mettre systématiquement une brosse à dents dans mes sacs. L'espace s'agrandissait au fil des jours, et je pense pouvoir dire sans me tromper qu'il ne s'est pas rétréci depuis. Et même si je vois moins souvent des gens comme Mathieu ou Tristan, je sais qu'ils sont là, et qu'il suffit de les recontacter pour que leur porte me soit de nouveau ouverte.

Comme je l'explique un peu plus bas, Coline a dit "Chaque année est meilleure que la précédente", et Sarah a dit "On sera là dans 10 ans". Je ne suis plus angoissée par le temps qui passe, tout juste encore de légères inquiétudes. J'ai 19 ans et c'est merveilleux, j'aime ce chiffre. Il fait grande et pas trop. Il fait djeunz et pas trop. Il fait "je fais des choix" mais pas trop. Il accompagne ma personnalité, il ne me brusque pas, il prend le temps comme moi.
Je prends le temps d'avoir 19 ans, et je ne sais pas comment je pourrais mieux exprimer l'intensité de l'instant. Entre sourires à la volée et confidences dérobées, les moments volés d'intimité avec mes amis m'appartiennent.



Fils d'Ariane

29/11/2005 @ 23:42:44

Je pensais avoir fait table rase du collège, je pensais que ma crise de la 2nde avait jeté le voile sur tout ce qui précédait. Je pensais aussi ne jamais reparler à certaines personnes.
Comme tout un pan de mon passé qui aurait sombré.

Mais parfois, le hasard fait bien les choses.



Dans la vapeur et le bruit

29/11/2005 @ 22:56:46

Un concert, c'est ma vie.

Un concert, c'est au moins une heure d'attente avant l'ouverture des portes. Parfois plus quand j'ai que ça à faire.
Debout. La file qui s'allonge. Attente.
Toujours vérifier que j'ai bien pris le billet, et que c'est pour le bon concert. Cacher l'appareil photo au fond du sac.
Debout encore. Se féliciter d'être parmi les premiers. Attente.
Observer les gens, les groupes d'amis, les vêtements, les visages. Les jeunes et les moins jeunes. Ceux qui ont une tête à écouter ça, et ceux qui ont l'air de débarquer.
Debout encore. Les portes s'ouvrent.

Alors un concert, ça devient du bruit et de la vapeur.




mercredi 6 décembre 2017

La fin de l'innocence II

Si je lâche, je meurs. La corde qui me retient à la vie m’arrache les doigts, je me brûle la paume à m’y raccrocher sans cesse, à essayer de remonter. Sous moi, le gouffre, le vide, la mort. Mon amour est tout ce qui me tient. Mon amour est le centre rayonnant de nombreux autres sentiments, il est le coeur atomique du soleil. A partir de mon amour, je rayonne vers la colère, vers la haine, vers l’espoir et le désespoir. Chaque jour qui passe sans nouvelles de mon amour ne fait que m’assécher, me rapprocher de la mort cérébrale. J’étouffe sans son odeur, j’étouffe sans sa peau, sans sa chaleur. J’ai juste envie de mourir.




dimanche 3 décembre 2017

La fin de l'innocence

Aussi brutalement que l'amour commence, l'amour peut laisser sur le carreau.
Dans ce blog, je sais très bien que j'ai écrit de nombreux posts sur mon amour pour Sebastian. Je ne les relirai pas, pas tout de suite. Savoir qu'ils existent suffit à me brûler de l'intérieur, et à me donner envie de m'ouvrir la poitrine pour soulager la brûlure. Je n'ai jamais aimé quelqu'un autant, et jamais je n'aimerai quelqu'un à nouveau autant. Mon coeur est brisé comme il ne l'a jamais été. Il y a quelques jours, une émission de radio titrait "Peut-on encore mourir d'amour ?" Oui, oui, bien sûr, on peut mourir d'amour, quand tout à l'intérieur lâche, quand les fonctions vitales tiennent encore mais que le reste est anéanti, qu'il n'existe plus rien que cette pure envie de s'ouvrir la poitrine, plus forte que tout.
Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus quoi dire, quoi penser, quoi respirer. L'air me brûle, je suffoque comme jamais je n'ai suffoqué. L'amour s'en va, l'amour m'a plantée son couteau dans le dos, mon amour m'a planté son couteau dans le dos. Je devrai vivre avec cette lame pour le restant de mes jours, avec le souvenir d'avoir expliqué cet abandon à mon enfant.
L'amour fout le camp, et je me suis cru tellement maline au début, tellement autre. Je pensais qu'on était plus forts que les autres, que nous réussirions là où tous ces autres échouent. Mais comme l'amour est aveugle, je n'ai rien vu venir, ou si peu. Il n'est pire eau que l'eau qui dort, et le tremblement de terre qui vient de m'arriver le montre encore une fois : le calme ne fait qu'annoncer la tempête. Je meurs de n'avoir pas su le voir, je meurs et je dois faire semblant de vivre pour l'enfant qui compte sur moi.




dimanche 5 mars 2017

Du bout des doigts

De moi à moi, il n'y a qu'un doigt, qui me sert à toucher le reflet du miroir. Je longe les traits de ce reflet, la jeune fille répond à la jeune femme. Dix ans au bout des doigts. Dix ans pour refaire le chemin à l'envers, me prendre la main, et dire "Viens, c'est l'heure". Sur le bout des doigts mais sur le bout de la langue, des dates, des noms et des évènements qui semblent refuser de faire le chemin de ma mémoire à ma main. La jeune fille et la jeune femme savent que la clé se trouve au bout du doigt.







mardi 14 février 2017

La belle personne

On passe souvent sa vie à chercher quelque chose, en tout cas j’ai cru le remarquer chez les personnes que j’aime, et à qui je fais attention. Cela peut être un travail, une personne, un sentiment, un endroit. J’ai parfois l’impression que cette recherche rend certaines personnes malheureuses, parfois c’est cette quête qui tient debout. Parfois on ne cherche rien d’autre qu’à rester en vie. De mon côté, j’ai cherché avec obsession de compter suffisamment pour quelqu’un que cela me donnerait l’impression de compter dans l’absolu. C’est vrai, c’est une recherche autocentrée. C’est ce qui me donne envie de vivre et de me réveiller le matin. Je pensais, j’ai longtemps cru que je pourrais trouver cela chez une femme. J’ai pris conscience, j’ai formulé seulement il y a quelques minutes, en me brossant les dents. La triste banalité de certains moments est affligeante. En me brossant les dents, j’ai réalisé que ce que je cherchais chez une femme, je l’ai trouvé chez Sebastian. Ce que je croyais réservée aux relations entre femmes, de façon naïve sûrement, ce que je pensais féminin, je l’ai trouvé chez un « il » : être traitée d’égale à égale, être prise comme je suis sans chercher une femme idéale que je trouvais trop lourde à porter. Mes qualités et mes défauts réels, dans ma pleine humanité, et non parce que j’étais une femme. Parce que je suis moi. La belle personne, bien sûr c’est lui.




lundi 13 février 2017

A présent

Il y a environ dix ans, les équilibres étaient précaires. Toutes les gouttes auraient pu faire déborder le vase, et toutes les gouttes ont fait déborder le vase. Tout était à fleur de peau. Les années qui ont suivi ont consisté à reconstituer les trous dans la peau que je m’étais faits, ou que d’autres m’avaient faits. Je me souviens des heures à pleurer et à sentir le sol se dérober sous mes pas quand il me faisait comprendre que nous ne pouvions plus être ensemble, mais qu’il fallait que nous soyons ensemble pour qu’il puisse me le faire comprendre. Les contradictions à n’en plus pouvoir me déchiraient. J’ai passé tellement de temps à faire émerger quelqu’un de bien de toutes ces chutes. Il y a environ dix ans, j’ai fait la plus grande chute, je suis retombée souvent après, j’ai parfois cru que les trous dans la peau étaient définitifs. Ils le sont peut-être un peu quelque part, cachés sous la peau qui a repoussé. Ce temps me paraît à la fois loin et si proche, juste là sous la peau. Je sais que c’est les deux à la fois. Ce sont ces chutes qui m’ont modelée. La personne qui m’aime à présent aime tous ces trous dans la peau, à travers la peau qui a repoussé. Je suis une.




dimanche 29 novembre 2015

Retour vers le futur

Depuis le 11 septembre 2001, je savais comme tout le monde que des attentats finiraient, d'une manière ou d'une autre, par tuer des personnes en France. Mais comme tout le monde, je ne savais pas quand. La menace restait abstraite, dans un coin de la tête. Un peu comme ces maladies mortelles qui ne peuvent toucher que "les autres", ceux qui sont loin, ceux qui ne sont pas nous, ceux qu'on n'aime pas.

Et puis un jour, l'abstraction apparaît pour ce qu'elle est : bullshit. La chose la plus tangible, la plus réelle, devient la peur, parce que la prise de conscience tombe sur la tête, et c'est comme si un flux glacial s'était répandu sur moi de la tête au pied.

Un ami est mort du cancer, putain de bordel, c'est tellement pas possible de prononcer ces mots à même pas 30 ans. J'ai coché tous les "Et si" que l'on peut se dire dans de tels moments, en secouant la tête d'impuissance pour essayer de les effacer. Puis l'abstraction qui planait depuis le 11 septembre 2001 s'est soudain concrétisée dans la foulée. Vu les endroits touchés par les attentats, c'est toutes les personnes que j'aime, quasiment sans exception, qui auraient pu se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Sans chercher très loin, juste au second degré de relation, je ne compte pas le nombre de personnes dont on m'a dit qu'elles étaient, ce soir-là, au mauvais endroit au mauvais moment. J'ai (eu) une peur globale. Elle ne visait pas un groupe de personnes en particulier, ou un ami, ou une cousine, elle visait l'ensemble de mon répertoire mental de connaissances, passées et présentes.

Et ça provoque un bordel dans la frise chrono-logique de ma vie. J'ai expérimenté le traditionnel éloignement des amies, même de celles les plus proches, accompagné de sa traditionnelle amertume, et me suis fait violence pour n'y voir qu'un effet sordide, mais sommes toutes attendu, du temps qui passe. Mais en une semaine, j'ai renoué avec 3 de ces amies si proches et si loin, et c'est comme si le choc de cette peur avait cassé la chronologie, comme si le temps lui-même en avait perdu son sens.
Oui, j'ai pensé à vous dans ma peur, si proches et si loin. Oui, tout a changé durablement, et je n'ai même pas peur de l'affirmer. Tout a changé, tout. Moi, tellement accrochée d'ordinaire à mes rancunes, vivant à travers mes rancœurs et mes non-dits, d'un coup tout a fait "pschhht".

Comme le dit cette image qui a circulé dans les heures suivant les attentats, il va falloir beaucoup, beaucoup, beaucoup d'amour. Je crois que le fait d'avoir renoué est notre petite contribution à cette vaste entreprise.




mardi 6 octobre 2015

I'm still here

J'ai souvent entendu dire que la vie est un long chemin, qu'il ne faut jamais dire jamais, ou encore qu'on ne sait pas de quoi sera fait le lendemain. L'expérimenter est un délice unique.

Je suis encore là. Après des tours et des détours, après des lacets interminables et des virages en série, je suis encore là, quand certains pensaient que j'étais sortie de piste. Pourquoi, après tout ce temps, c'est encore un sentiment de revanche qui prédomine, je ne saurais l'expliquer. Un amour propre très développé, peut-être ? (On ne va pas se mentir : oui)
Je suis encore là.

Depuis que je suis enfant, je me suis toujours représentée comme la meilleure dans ce que j'entreprenais, puis j'ai compris avec le théâtre qu'il me fallait surtout être la meilleure version de moi-même. J'aime encore être la meilleure à ce que je fais, c'est mon naturel qui reviendra au galop invariablement, mais un naturel pas tout à fait identique à celui de mes 10 ans. Un déplacement, un glissement a eu lieu : avoir échoué est une donnée que j'ai intégrée, et qui m'a transformée définitivement.
Je n'avais jamais eu peur de l'échec, concept que j'ignorais totalement jusqu'au jour où je l'ai éprouvé dans ma chair. J'en suis restée tétanisée longtemps, sous le choc et ne donnant aucun sens à cette expérience. Par incapacité et par honte.

Mais le temps, chers amis, le temps. C'est le meilleur allié pour donner du sens aux expériences. Comment aurais-je pu prévoir que ces échecs me conduiraient à ma place actuelle ? Comment aurais-je pu prévoir que ces échecs me conduiraient quelque part, tout simplement ? La rétrospection, c'est la vie.

Je ne sais pas ce qu'en diraient les profs du master que je suis cette année, sûrement que les sens donnés a posteriori relèvent d'une construction réalisée avec un biais "présentocentré", ou peut-être plutôt qu'une épistémologie de la rétrospection permet l'émancipation du sujet vis-à-vis de son histoire. Allez savoir. Ma monitrice d'auto école, elle, dirait très certainement qu'on ne regarde dans le rétro que pour s'assurer que l'on peut continuer sans danger.

Quelque part, un peu à la façon de Monica qui réalise les meilleurs mauvais massages, j'ai réussi mes échecs.
La preuve, je suis encore là.




mardi 1 octobre 2013

L'Appel du 8-Juin

Elle n'était contre personne, contre aucun ennemi, mais j'ai tout de même gagné une guerre. Je suis récemment rentrée victorieuse de la dernière bataille, la seule dont on peut dire, peut-être, que je l'ai menée contre un ennemi : le temps. En réalité, pour être honnête, je n'étais pas seule, car nous étions trois à gagner cette guerre ; trois à sortir, si ce n'est neufs, du moins renouvelés de cette histoire.

Pour la première fois, je crois, je n'ai pas envie de répéter que "ma vie a changé" (quelle vie ne change pas d'une année à l'autre, d'une semaine à l'autre, d'une heure à l'autre), mais plutôt que "je suis changée". Mon corps, mon coeur, ma tête, passés par les batailles de la grossesse et de l'accouchement : 9 mois à voir disparaître tout ce que je croyais de moi-même, presque en spectatrice émerveillée de ce phénomène.

Etre enceinte ne m'a jamais attirée. Voir des femmes enceintes me laissait soit indifférente, soit en état de gêne face à l'étalage d'un corps si étrange et monstrueux. De manière générale, tout ce qui est relié de près ou de loin à la grossesse, l'enfantement, les bébés, les gouzi-gouzous, me rebutait au point de toujours contourner le rayon bébés des supermarchés. Peur, souvenir de l'obsession de ma mère, gêne ou dégoût, je ne sais pas. Tant que ça ne parlait pas, ça ne m'intéressait pas et je ne savais pas y faire.

Je ne sais pas forcément mieux aujourd'hui, mais je me suis réconciliée avec les bébés et les femmes enceintes.

Plus que ça, sans aller jusqu'à dire que j'ai adoré les aigreurs d'estomac et le fait de devenir un corps public, c'était bien. J'ai aimé les coups dans le ventre, j'ai aimé la promesse que mon corps contenait, j'ai aimé l'évolution semaine après semaine, et le petit nez retroussé qui apparaissait aux échographies. Ce moment suspendu dans le temps qui n'appartenait qu'à Sebastian et moi.
L'accouchement fut le climax de ces neuf mois. 19 heures intenses, épuisantes et au final le premier cri (le premier d'une très longue liste, hum). "Le premier cri". La magie de ce moment m'a été révélée d'une façon si forte que j'ai découvert la proximité entre le bonheur et la violence. C'est ce cocktail de sensations et sentiments qui m'a permis ce moment de grâce. Le premier cri pour elle, une nouvelle naissance pour moi.

Je me suis réconciliée avec la beauté des premiers moments de la vie, la nouveauté chaque jour, les capacités d'apprentissage et d'émerveillement qui manquent si souvent aux adultes, et même l'animalité de cette petite chose qui ne comprend le monde qu'en terme de sensations. C'est même cette animalité qui me ravit, cet être qui ne communique que par le corps et ne ment pas, car le corps ne ment pas. La vérité brute qui se dégage de chacune de ses réactions est une invitation à continuer, est une manière d'appeler à la vérité de mon propre corps, celle enfouie depuis mon premier cri à moi.

Parce que dans le fond du fond du fond, ce que je retiens de la grossesse et l'accouchement, c'est l'appel à mon état préhistorique, prélangagier et bestial. The call of the wild, voilà ce qu'est une naissance : le retour aux fondamentaux et à l'essentiel.




lundi 30 septembre 2013

Ghostbuster

Une pizzeria désertée dans un quartier mort près d'un cimetière un dimanche soir, le cadre idéal pour réveiller les morts. Quelqu'un de profil, penché sur son téléphone, concentré ; j'ai attendu mes pizzas en l'observant comme une bête curieuse, tant son regard me rappelait le sérieux souvent vu dans le regard de cet Autre, disparu de mes jours il y a déjà fort longtemps. Suffisamment longtemps pour que je repense à nos blagues, notre complicité avec un pincement au coeur ; pas suffisamment longtemps pour qu'il ou elle ait complètement disparu de mon horizon.

Au commencement était le malentendu au fondement de cette mort prématurée : croire qu'un loup solitaire comme moi peut s'accommoder de la meute. C'est bien entendu faux, comme je le disais récemment à Laura : "moi, les groupes d'amis, c'est fini". J'ai eu ma dose de téléphones arabes, de malentendus, de couvertures, de secrets, de calculs et de manipulation. Je veux désormais que mes amis ne soient QUE mes amis, même si je m'accommode sans difficulté de leurs propres fréquentations. Je veux que tout soit simple et franc, honnête et direct. Je n'ai que faire des gens satellites qui parasitent l'essentiel.

Mais surtout, je veux que les morts, lorsqu'ils sont morts, soient isolés. Morts.

Parce que ce n'est jamais le cas : un rappel existe toujours, bien malgré moi. Je n'ai aucune difficulté à arrêter de fréquenter les personnes qui m'apportent plus de peines que de joies, et pourtant il m'est toujours difficile de les oublier totalement. La faute à quoi la faute à qui. La faute à ces groupes dans lesquels notre amitié s'est construite... et sans lesquels elle n'aurait pas existé, je le sais. Mais j'ai éclaté ces groupes pour n'en garder que l'essentiel.
Je me suis lancée dans une entreprise qui vise à remettre chacun à sa place. Les vivants auprès de moi, les morts, hors de mon champ de vision. Retour à l'essentiel, je chasse les morts qui ont eu leur chance et ont préféré les satellites. A eux le cimetière.

La place des morts, ça concerne ceux et celles qui croiront se reconnaître dans les premières lignes de cet article. A vous : ouste !