jeudi 31 août 2006

Well, nevermind

Je suis fatiguée. Tout m'épuise, dans tous les sens du terme. J'ai parfois l'impression qu'un dementor s'est posé sur moi et m'aspire toute vie. Je me lève, fatiguée. J'occupe ma journée (ou pas), fatiguée. Je me couche, fatiguée. Je me traîne, fatiguée. Je me traîne un corps qui n'en peut plus des nuits raccourcies, qui est à bout de ressources, qui ne peut plus se reposer sur une âme elle-même fatiguée. Dormir 10 heures par nuit en juillet ne suffisait pas, je dormais au soleil, je me laissais flotter sur l'eau. J'ai micro-siesté partout, tout le temps. Alors j'étais calme et tranquille, mais ça n'a plus été le cas, à partir du moment où je suis rentrée. J'ai dormi en Normandie aussi. Je me suis reposée, à ne plus m'engueuler avec ma mère. Quelques jours de repos, où j'ai eu assez d'énergie pour quelques fiches d'histoire. Je n'ai fait que regarder des films depuis le début des vacances. Entre cinéma et chaines de cinéma, vautrée dans un fauteuil qui laissait mon esprit voguer ailleurs, dans le monde de la fiction. Et pourtant, je suis encore fatiguée. Je le répète, je le clame depuis des jours, je suis fatiguée. Energie disparue. Réflexion disparue. Je suis en pilotage automatique, parce qu'il faut bien rire quand une blague vient d'être dite. J'aimerais une longue cure de sommeil, il paraît que ça existe.
Fatiguée de courir après des chimères. Fatiguée de m'encombrer de pensées ressassées. Fatiguée de m'introspecter. Fatiguée de me dire "Il aurait fallu", comme si vivre les choses une seule fois n'était pas assez éprouvant. Fatiguée de m'échiner à tenir ensemble les morceaux de mon être, parce que la décomposition n'est pas de mise à 19 ans. Fatiguée de refuser quand je ne suis pas d'accord. Fatiguée de tous ces efforts que je fais pour haïr les gens du mieux que je peux. Fatiguée de devoir faire face à la routine des journées. Fatiguée de chercher les raisons à ce que je ressens, ce que je suis, ce que je fais. Fatiguée de parler.




dimanche 20 août 2006

...

Là-bas tout au loin, c'était la mer. Mais j'avais plus rien à imaginer moi sur elle la mer à présent. J'avais autre chose à faire. J'avais beau essayer de me perdre pour ne plus me retrouver devant ma vie, je la retrouvais partout simplement. Je revenais sur moi-même. Mon trimbalage à moi, il était bien fini. A d'autres !... Le monde était refermé... Au bout qu'on était arrivés nous autres !... Comme à la fête !... Avoir du chagrin c'est pas tout, faudrait pouvoir recommencer la musique, aller en chercher davantage du chagrin... Mais à d'autres !... C'est la jeunesse qu'on redemande comme ça sans avoir l'air... Pas gênés !... D'abord pour endurer davantage j'étais plus prêt non plus !... Et cependant j'avais même pas été aussi loin que Robinson moi dans la vie !... J'avais pas réussi en définitive. J'en avais pas acquis moi une seule idée bien solide comme celle qu'il avait eue pour se faire dérouiller. Plus grosse encore une idée que ma grosse tête, plus grosse que toute la peur qui était dedans, une belle idée, magnifique et bien commode pour mourir... Combien il m'en faudrait à moi des vies pour que je m'en fasse ainsi une idée plus forte que tout au monde ? C'était impossible à dire ! C'était raté ! Les miennes d'idées elles vadrouillaient plutôt dans ma tête avec plein d'espace entre, c'était comme des petites bougies pas fières et clignoteuses à trembler toute la vie au milieu d'un abominable univers bien horrible...
Ca allait peut-être un peu mieux qu'il y a vingt ans, on pouvait pas dire que j'avais pas fait des débuts de progrès mais enfin c'était pas à envisager que je parvienne jamais moi, comme Robinson, à me remplir la tête avec une seule idée, mais alors une superbe pensée tout à fait plus forte que la mort et que j'en arrive rien qu'avec mon idée à en juter partout de plaisir, d'insouciance et de courage. Un héros juteux.
Plein moi alors que j'en aurais du courage. J'en dégoulinerais même de partout du courage et la vie ne serait plus rien elle-même qu'une entière idée de courage qui ferait tout marcher, les hommes et les choses depuis la Terre jusqu'au Ciel. De l'amour on en aurait tellement, par la même occasion, par-dessus le marché, que la Mort en resterait enfermée dedans avec la tendresse et si bien dans son intérieur, si chaude qu'elle en jouirait enfin la garce, qu'elle en finirait par s'amuser d'amour aussi elle, avec tout le monde. C'est ça qui serait beau ! Qui serait réussi ! J'en rigolais tout seul sur le quai en pensant à tout ce qu'il faudrait que j'accomplisse moi en fait de trucs et de machins pour que j'arrive à me faire gonfler ainsi de résolutions infinies... Un véritable crapaud d'idéal ! La fièvre après tout.

Céline, Voyage au bout de la nuit




vendredi 18 août 2006

Un amour de Swann

"Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre !"

J'ai quand-même lu ce livre sans me rendre compte immédiatement que, comme tout le monde, je suis un peu une Swann.




lundi 7 août 2006

Walk the line

Je marche sur un fil. J'ai toujours beaucoup aimé cette métaphore, parce que j'imagine l'équilibre précaire, la lenteur et la concentration tout le long du chemin, surtout le risque. Dans mes grands moments d'ennui, je marche dans l'appart' en mimant la marche du funambule.

Tout à l'heure, je regardais.. hum non en fait, j'ai honte. Toujours est-il que le film en question m'a rappelé la seule phrase capable de me donner un équilibre. Cette phrase supplante à elle seule tous les mots inutiles de mon dictionnaire, tels que "chute" ou "déséquilibre". Elle renvoie aux calendes grecques les lignes et les lignes d'écriture noire de l'échec, celles dont je suis devenue spécialiste au fil des blogs.
"Je t'aime".

Ce sont ces mots-là qui font tenir sur le fil. Le confort, la sécurité, la force. Quand le fil du funambule devient une avenue. C'est ce que j'aime dans cette phrase. J'en aurais presque oublié la sincérité et la bienveillance qu'elle peut envelopper, si mes amies ne me la disaient pas.
Parce qu'on m'a dit trop de "je t'aime" restés lettre morte. Dans "La grammaire est une chanson douce" d'Erik Orsenna, la petite phrase est malade, usée, comme une personne, car tout le monde l'utilise à tort et à travers. Mes "je t'aime" à moi, ceux que j'ai reçus, n'étaient parfois eux aussi que des étres chêtifs et malades, venus de personnes malportantes elles aussi. Des gens qui ne marchaient pas droit.

J'aimerais marcher droit. J'aimerais voir se dérouler devant moi une avenue, quitter l'exercice du funambule. Je ne suis ni quelqu'un de bien, ni quelqu'un de sage, et il me faut ces mots répétés à outrance pour avancer. Sinon, il est trop facile de tomber. Mon équilibre est fragile, et ce n'est pas un "je t'aime" de supermarché qui suffit à me remettre dans le droit chemin.
De toute façon, être désaxée ne conduit qu'à la chute.

J'ai de la force, car je garde l'équilibre malgré tout, tant j'ai à coeur de montrer que c'est moi la plus forte. Mais ça fait longtemps qu'un "je t'aime" sincère et bienveillant ne m'a pas portée.
Je veux marcher droit.

[ Bande Son ]

PS : Je pars de nouveau en vacances, pendant une petite semaine chez mes grands-parents. (Et écoutez la reprise de Johnny Cash par Joaquin Phoenix, que j'ai mise en lien, c'est bluffant. Au passage, si des gens écoutent régulièrement les chansons que je mets en lien, ou si d'autres rencontrent des problèmes pour écouter : je demande officiellement des échos sur cette idée de "Bande Son")




vendredi 4 août 2006

Volontaire

Noir Désir & Alain Bashung, Volontaire

Emotions censurées, j'en ai plein le container
J'm'accroche aux cendriers et m'arrange pas les maxillaires
Sélection rythmique, sélection d'combat, effets secondaires
C'est elles, séquelles, c'est tout c'qui me reste de caractère

Tête brûlée, j'ai plus qu'à m'ouvrir le canadair
N'essayez pas d'm'éteindre, ou j'm'incendie, volontaire
Volontaire
A l'analyse, il ressortirait que j'suis pas d'équerre
Vol de nuit sur l'Antarctique, j'attends la prochaine guerre

Jamais d'escales, jamais d'contacts avec l'ordinaire
Perdus la boussole, le compas : erreur volontaire
Volontaire

Frôler des pylônes, des canyons
Et frôler l'éphémère

Si tu touches, si tu t'crashes,
Tu rentres dans le légendaire

Réalité, réalités, punition exemplaire
Si c'est pour jouer les fugitifs, moi j'suis volontaire
Volontaire

[ Bande Son ]




mercredi 2 août 2006

Lolita nie en bloc

Je suis revenue cette nuit des trois semaines les plus étranges depuis longtemps. J'aimerais le faire à la Proust, rendre compte du réel de ces vacances d'un seul jet. Seulement, lui et moi n'avons pas le même contenu neuronal, ce qui me pousse à rendre pleinement hommage au titre de ce blog.
Se contenter d'un kaléidoscope des 3 semaines précédentes, au lieu de l'image directe et entière. Même si je ne sais pas par où commencer.

J'ai tenté d'avoir 9 ans, après avoir tapé des pieds et des mains pour ne pas en avoir 1x. Ma cousine Zoé et moi avons rivalisé dans cet art du travestissement. J'ai voulu des bouées pour la piscine, j'en ai eues, j'ai commencé à inventer une histoire pour enfants et Zoé a dessiné les personnages, j'ai dormi avec mon singe orange en frôlant l'apoplexie quand j'ai failli l'oublier sous une couette, je me suis replongée dans Harry Potter et Le Miroir d'Ambre, et j'ai fait des câlins à ma maman dans la piscine.
Le syndrome Peter Pan fait rage.

J'ai frôlé la Solénite, reprenant mes esprits à temps malgré la menace, car je crois avoir compris le problème. Il est peut-être juste un peu tôt pour en parler ici, et même en parler tout court.
La Solénite menaçait à cause des échecs à répétition, et des tentatives d'essai avortées pathéticomiquement. Il y a des avions à midi pour Amsterdam, des textos sans réponse, et des rétrospectives mentales : sur cinq ans, seuls quelques 6 mois ont été vraiment réussis et constructifs. Le reste, le quasi-néant.
C'est pour ça que le problème m'est apparu en fait presque clairement. Je suis quand-même capable de trouver le problème chez les autres, sans le voir chez moi. C'est beau la lucidité.

J'ai mangé comme un aspirateur à nourriture. Ce n'était pas manger pour manger, car mes parents ont rivalisé d'idées avec le barbecue. Du petit-déj' béton que je me préparais aux repas gatronomiques nocturnes, il est presque miraculeux que je n'ai pas pris 25 kilos.

J'ai adoré mes parents en les détestant chaque fois l'instant d'après. Ils sont géniaux et adorables, mais très très TRES difficiles à vivre au quotidien, leurs lubies et manies s'exaspérant avec l'âge. Je crois n'avoir jamais autant haussé le ton (comprendre : crié) que pendant ces trois semaines.
"Je gueule plus fort que toi", je l'ai même dit à mon père quand il essayait de me concurrencer. Personne, aussi paternel soit-il, ne prendra le pas sur moi.

J'ai surmonté ma peur des insectes. Les guêpes ne me faisaient plus hurler ni détaler en courant, je me suis approchée très près d'une libellule pour la photographier, je n'ai pas paniqué en voyant un insecte-volant-au-corps-gros-comme-mon-pouce-et-aux-ailes-énormes-et-bruyantes. J'avais presque envie de prendre un hanneton dans ma main.
C'est à peu près aussi incroyable que mes ongles que je ne ronge plus depuis un an.

Hors haussements de ton, j'ai passé trois semaines de pure relaxation. Loin du gris, loin des nuages, loin des rush métropolitains.
J'ai glandé au bord de la piscine presque tous les après-midis, souvent en compagnie de ma cousine dont les parents séjournaient à Marseille. Luxe, calme et volupté. Le soleil, l'eau sur ma peau, la musique de la cascade, la fraîcheur de l'ombre et ce léger vent qui me caressait alors que je fondais au soleil. J'ai successivement joué à la sirène, me suis laissé porter par l'eau sur ma bouée, et ai fait des batailles d'eau. Retour aux origines, à l'eau qui enveloppe le corps et le porte. Des caresses aquatiques et des remous qui bercent.
Et les lectures tellement pas scolaires. Revivre le drame d'Harry Potter 6, sur fond de cascade. Loin de tout, j'ai dit.

Je me suis remise, jour après jour, de France-Italie, comme une convalescente :) J'ai subtilement suggéré à mes parents que le maillot de Ribéry serait un excellent cadeau d'anniversaire.

On a fait une virée à Fos-sur-mer. Mon père dit qu'on y est revenus il y a 5 ans, mais je ne m'en souviens pas. La dernière image figée que j'ai de cette ville date d'il y a neuf ans. En voyant les usines de La Véra, en passant près de marais à moustiques, j'ai eu l'impression de revenir en 1996. Je me suis revue toute petite au milieu des Festines, et ai regretté qu'ils aient changé leur organisation spatiale.
La Provence, particulièrement la Camargue d'Arles à Martigues, et même un bout du Languedoc avec l'Hérault, tous ces endroits, ces villes, ces plages, c'est mon pays d'adoption. J'y reviens, et je me dis "je suis chez moi". Chaque nom de ville résonne comme une petite musique familière assortie de bons souvenirs. Marcel Pagnol n'est peut-être pas étranger à tout ça, lui qui m'a offert la première quadralogie de mon coeur, bien avant Harry Potter ou les Royaumes du Nord, lui que j'ai considéré comme "mon auteur préféré" avant de découvrir les autres.
Je suis sans cesse ramenée à un rêve que j'ai depuis des années, qui est d'avoir une maison près des Alpilles ou en Camargue. Et peu importe que Philip Pullman ait prétendu "qu'il n'existait pas d'ailleurs".

Ces vacances étaient un coin perdu dans le temps. Une quasi-erreur dans la continuité de mon espace-temps. A Montreuil, la vie est radicalement différente, mais Lolita nie en bloc.

[ Bande Son ]