dimanche 26 février 2006

Un jour Prévert, une nuit Baudelaire

[...] Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore [...]
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir


Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et ses bras de grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir tâté
Le gout qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...


Boris Vian, Je voudrais pas crever

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Deux ou trois mois auparavant tout ce qu'il venait de me raconter là Robinson, m'aurait encore intéressé, mais j'avais comme vieilli tout d'un coup.
Au fond, j'étais devenu de plus en plus comme Baryton, je m'en foutais. Tout ça qu'il me racontait Robinson de son aventure à Toulouse n'était plus pour moi du danger bien vivant, j'avais beau essayer de m'exciter sur son cas, ça sentait le renfermé son cas. On a beau dire et prétendre, le monde nous quitte bien avant qu'on s'en aille pour de bon.
Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous décidez un beau jour à en parler de moins en moins, avec effort quand il faut s'y mettre. On en a bien marre de s'écouter toujours causer... On abrège... On renonce... Ca dure depuis trente ans qu'on cause... On ne tient plus à avoir raison. L'envie vous lâche de garder même la petite place qu'on s'était réservée parmi les plaisirs... On se dégoûte... Il suffit désormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus qu'on peut sur le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de l'intérêt trouver de nouvelles grimaces à exécuter devant les autres... Mais on n'a plus la force de changer son répertoire. On bredouille. On se cherche bien encore des trucs et des excuses pour rester là avec eux les copains, mais la mort est là aussi elle, puante, à côté de vous, tout le temps à présent et moins mystérieuse qu'une belote. Vous demeurent seulement précieux les menus chagrins, celui de n'avoir pas trouvé le temps pendant qu'il vivait encore d'aller voir le vieil oncle à Bois-Colombes, dont la petite chanson s'est éteinte à jamais un soir de février. C'est tout ce qu'on a conservé de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on l'a plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On n'est plus qu'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne.

Céline, Voyage au bout de la nuit

[ Bande Son ]




lundi 13 février 2006

La Disparition

Je reviens jeudi (ou pas).




dimanche 12 février 2006

Oh merde

Ce soir, c'était l'anniv' des 20 ans d'Iza. La soirée était excellente, mais là maintenant tout de suite, ce que j'en retiens, c'est le potin de Sabrina : CLEMENT SORT AVEC AURELIA !!! Clément ! Avec Aurélia !
MAIS LE MONDE EST DEVENU FOU OU QUOI ? Clément et Aurélia ! Merde quoi ! Clément est quelqu'un de génial et Aurélia la fille la plus conne de la terre qui a pourri ma seconde. Je suis restée bloquée toute la soirée là-dessus. Merci Anète d'avoir bugué comme moi, en tout cas.

Y'a trucs qu'on devrait annoncer avec des préliminaires.




jeudi 9 février 2006

A nous deux on peut voir jusqu'à demain


J'ai des peurs épouvantables
Pour trois lignes de sa main
Ses gants posés sur la table
Un chat noir sur mon chemin

L'oiseau l'étoile ou l'échelle
Tout m'est présage glaçant
Tout un monde parle d'elle
Un langage menaçant

Ce que vendredi me laisse
Qu'en fera le samedi
Je crains qu'un mot ne la blesse
Je crains tout ce qu'on lui dit

Tout d'un coup pourquoi se taire
Dans la chambre d'à côté
Son silence est un mystère
Que je ne puis supporter

Je crains d'une crainte affreuse
Tout ce qui peut arriver
Une phrase malheureuse
Les ardoises les pavés

Le monde est plein d'escarbilles
Le chien mord le cheval rue
Es-tu folle Tu t'habilles
Tu vas sortir dans la rue

Tu vas sortir Quelle aventure
Sortir sans moi le vilain jeu
J'ai la terreur des voitures
Je crains l'eau comme le feu

Mes jours entiers sont faits d'elle
L'univers est son reflet
Derrière les hirondelles
Le ciel reste ce qu'il est

Perversité des pervenches
Ses yeux à travers ses doigts
Quand le froid fait ses mains blanches
Comme la neige des toits

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Jaloux des gouttes de pluie
Qui trop semblent des baisers
Les yeux de tout ce qui luit
Sont raison de jalouser

Jaloux jaloux des miroirs
Des morsures de l'abeille
De l'oubli de la mémoire
De l'abandon du sommeil

Du trottoir qu'elle a choisi
Des mains frôleuses du vent
Ma vivante jalousie
Qui me réveille en rêvant

Jaloux d'un chant d'une plainte
D'un souffle à peine un soupir
Jaloux jaloux des jacinthes
D'un parfum d'un souvenir

Jaloux jaloux des statues
Au regard vide et troublant
Jaloux jaloux quand elle s'est tue
Jaloux de son papier blanc

D'un rire ou d'une louange
D'un frisson quand c'est l'hiver
De la robe qu'elle change
Au printemps des arbres verts

De la voir aimer le feu
D'une branche qui la suit
D'un peigne dans ses cheveux
A l'aurore de minuit

De qui donc est-elle éprise
Qu'elle porte ses turquoises
Ah la nuit me martyrise
Avec ses ombres narquoises

Jaloux en toute saison
Traversé de mille clous
A perdre toute raison
Jaloux comme un chien jaloux

Jaloux de toute la terre
Quand elle arrive un peu tard
Tous ses gestes sont mystères

Jaloux jaloux des guitares

(Aragon)

[ Bande Son ]




mardi 7 février 2006

Je tue ils

"I ran away today, ran from the noise, ran away
Don’t wanna go back to that place, but don’t have no choice, no way
It ain’t easy growin up in World War III
Never knowin what love could be, well I've seen
I don’t want love to destroy me like it did my family"

Pink, Family Portrait

Je hais les éclats de voix.
Partir, partir, partir. Vite.




dimanche 5 février 2006

Il n'y a pas d'amour heureux

Louis Aragon, "Il n'y a pas d'amour heureux"

Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce

Il n'y a pas d'amour heureux

Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes

Il n'y a pas d'amour heureux

Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent


Il n'y a pas d'amour heureux

Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare

Il n'y a pas d'amour heureux

Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs

Il n'y a pas d'amour heureux

[ Bande Son ]