dimanche 12 septembre 2010
12/09/2010
18:54
Par Kalleidoscope
Blog
Ma grand-mère était tellement de gauche
J'ai connu une des dernières stalinistes en France, et c'était ma grand-mère. La première fois où je suis allée à la fête de l'Huma, je devais avoir 8/9 ans. C'était avec mes parents et ma grand-mère paternelle. Je me souviens avoir découvert à cet âge que la pluie tombait de manière traditionnelle le deuxième week-end de septembre, les pieds dans la boue, alors que ma grand-mère avait prévu les bottes. Oui, elle y allait chaque année, elle faisait même bien plus. Elle vendait l'Huma, elle militait pour le Parti, elle était bénévole dans l'Association d'amitié franco-vietnamienne de Montreuil. Le tableau qui est dans mon salon lui appartenait auparavant, en hommage aux révolutionnaires, extraits de Victor Hugo à l'appui. Elle est la militante la plus animée que j'ai connue, et surtout la première féministe de mon souvenir, même avant ma mère peut-être. De tout ça, je tire la chance d'avoir eu une grand-mère communiste.
Ca a façonné mon enfance, en un sens. En 1995, quand la plupart des mômes de 8 ans savent à peine le nom du président, je savais le nom de tous les candidats, je savais ceux de droite et ceux de gauche, et je savais que mes parents avaient voté pour Robert Hue au premier tour. Quand les 8% étaient apparus à la télé, j'avais découvert que mes parents étaient minoritaires. Je crois que je suis née en sachant ma droite de ma gauche, en fait, mais il m'a fallu quelques temps pour comprendre de quel côté se trouvent les vainqueurs de la politique.
Mais droite, gauche, droite, peu importent les gens au gouvernement, ma mémoire est pavée de souvenirs de manifs. La première dont je me souviens, même si je n'y étais pas allée, fait partie du mouvement de l'automne 95. Une des très rares fois où mon père est allé en manif : il avait détourné un message de prévention contre le Sida, en collant la tête de Juppé sur le corps de l'homme en photo, et avait écrit "Juppé" à la place du mot "Sida". Ambiance Hara-Kiri et professeur Choron à la maison. Quelle famille centriste, quelle famille de droite offre une telle atmosphère ? Quel intérêt à la culture de droite, à part les dimanches au golf et la lecture du Point ?
Moi j'ai eu la passion de la Commune de Paris par ma mère, qui refuse d'entrer au Sacré-Coeur depuis le jour où elle a appris son histoire. J'ai su qui était Victor Schoelcher bien avant de voir son nom en cours, et j'ai regardé "Racines" quand j'étais petite. Tout ça est revenu en flots successifs à 15 ans, lorsque je chantais L'Internationale dans les manifs contre la guerre en Irak. Depuis, je me sens tellement de gauche que je sais la vraie passation de ma grand-mère : à 11 ans, j'ai répondu que c'était de m'avoir appris le tricot ; mais à 23 ans, je répondrais que c'est de m'avoir, comme sans faire exprès, comme ça en passant, appris la révolte.
"On ne choisit pas son enfance, on m’a pas laissé être droitier
Mon père m’emmenait jamais au square mais aux réunions de comité
Mon père était tellement de gauche qu'on habitait rue Jean Jaurès
En face du square Maurice Thorez avant d’aller vivre à Montrouge.
On a été en Urss l’hiver, les pays de l’Est c’est mieux l’hiver
On voit bien mieux les bâtiments, les nuances de gris ça flashe sur le blanc
Devant la statue de Lénine, pour nous c’était le grand frisson
Moins 24 c’était pas terrible mais les chapkas étaient en option
Mon père était tellement de gauche que quand est tombé le Mur de Berlin
Il est parti chez Casto pour acheter des parpaings.
On mangeait des Lenin’s burger, fallait vraiment faire attention
Il y avait du choux, une pomme de terre, la viande elle était en option
On achetait du coca Kolkhoze, approuvé par le comité
Ça devait soigner la silicose, on s’en servait pour désherber
On regardait pas la contrebande, on regardait pas la corruption
La Sibérie c’était disneyland, le discernement en option.
Mon père était tellement de gauche qu’à son mariage dans l’église
On chantait l’Internationale, les femmes portaient des faux-cils
Mon père était tellement de gauche qu'on a eu tout plein d’accidents
Il refusait la priorité à droite systématiquement.
Les copains se foutaient de moi tout le temps, car à l’école au premier rang
J’avais les lunettes de Brejnev et le dentier d’un Tupolev
Mon père était tellement de gauche qu’en 81 il croyait que ça changerait
J'sais pas quelle tête il aurait fait en 2002 en allant voter
Et même si tout ce que je raconte n’est pas tout à fait vrai
Le socialisme comme paradis, nous on y croyait
Mon père était tellement de gauche que lorsqu’il est parti
La gauche est partie avec lui."
Ca a façonné mon enfance, en un sens. En 1995, quand la plupart des mômes de 8 ans savent à peine le nom du président, je savais le nom de tous les candidats, je savais ceux de droite et ceux de gauche, et je savais que mes parents avaient voté pour Robert Hue au premier tour. Quand les 8% étaient apparus à la télé, j'avais découvert que mes parents étaient minoritaires. Je crois que je suis née en sachant ma droite de ma gauche, en fait, mais il m'a fallu quelques temps pour comprendre de quel côté se trouvent les vainqueurs de la politique.
Mais droite, gauche, droite, peu importent les gens au gouvernement, ma mémoire est pavée de souvenirs de manifs. La première dont je me souviens, même si je n'y étais pas allée, fait partie du mouvement de l'automne 95. Une des très rares fois où mon père est allé en manif : il avait détourné un message de prévention contre le Sida, en collant la tête de Juppé sur le corps de l'homme en photo, et avait écrit "Juppé" à la place du mot "Sida". Ambiance Hara-Kiri et professeur Choron à la maison. Quelle famille centriste, quelle famille de droite offre une telle atmosphère ? Quel intérêt à la culture de droite, à part les dimanches au golf et la lecture du Point ?
Moi j'ai eu la passion de la Commune de Paris par ma mère, qui refuse d'entrer au Sacré-Coeur depuis le jour où elle a appris son histoire. J'ai su qui était Victor Schoelcher bien avant de voir son nom en cours, et j'ai regardé "Racines" quand j'étais petite. Tout ça est revenu en flots successifs à 15 ans, lorsque je chantais L'Internationale dans les manifs contre la guerre en Irak. Depuis, je me sens tellement de gauche que je sais la vraie passation de ma grand-mère : à 11 ans, j'ai répondu que c'était de m'avoir appris le tricot ; mais à 23 ans, je répondrais que c'est de m'avoir, comme sans faire exprès, comme ça en passant, appris la révolte.
"On ne choisit pas son enfance, on m’a pas laissé être droitier
Mon père m’emmenait jamais au square mais aux réunions de comité
Mon père était tellement de gauche qu'on habitait rue Jean Jaurès
En face du square Maurice Thorez avant d’aller vivre à Montrouge.
On a été en Urss l’hiver, les pays de l’Est c’est mieux l’hiver
On voit bien mieux les bâtiments, les nuances de gris ça flashe sur le blanc
Devant la statue de Lénine, pour nous c’était le grand frisson
Moins 24 c’était pas terrible mais les chapkas étaient en option
Mon père était tellement de gauche que quand est tombé le Mur de Berlin
Il est parti chez Casto pour acheter des parpaings.
On mangeait des Lenin’s burger, fallait vraiment faire attention
Il y avait du choux, une pomme de terre, la viande elle était en option
On achetait du coca Kolkhoze, approuvé par le comité
Ça devait soigner la silicose, on s’en servait pour désherber
On regardait pas la contrebande, on regardait pas la corruption
La Sibérie c’était disneyland, le discernement en option.
Mon père était tellement de gauche qu’à son mariage dans l’église
On chantait l’Internationale, les femmes portaient des faux-cils
Mon père était tellement de gauche qu'on a eu tout plein d’accidents
Il refusait la priorité à droite systématiquement.
Les copains se foutaient de moi tout le temps, car à l’école au premier rang
J’avais les lunettes de Brejnev et le dentier d’un Tupolev
Mon père était tellement de gauche qu’en 81 il croyait que ça changerait
J'sais pas quelle tête il aurait fait en 2002 en allant voter
Et même si tout ce que je raconte n’est pas tout à fait vrai
Le socialisme comme paradis, nous on y croyait
Mon père était tellement de gauche que lorsqu’il est parti
La gauche est partie avec lui."