vendredi 24 février 2006

Sur moi rien ne se fixe, que dalle

J'ai des amis. Et j'en ai une particulière. Elle a ceci d'extraordinaire qu'elle me tient compagnie sans jamais être là. Elle est chaque jour à mes côtés, et je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Je ne sais même pas ce qui nous lie. Mais elle est là, for sure.
C'est une amie un peu immatérielle.

Elle est toujours là dans les mauvais moments, et le plus incroyable, c'est qu'elle est là même dans les bons. Je ne comprends pas, et ne comprendrai sûrement jamais. Je comprendrais qu'elle prenne forme quand je vais mal, mais je ne sais pas pourquoi elle me colle au corps quand je n'ai pas besoin d'elle.
Elle me colle au corps, comme une seconde nature.
Elle a toujours été là, c'est un peu ma maman qui m'a rapprochée d'elle, je crois. Ma maman la connait bien. Trop bien peut-être.
Elle se fait parfois discrète, mais elle s'impose toujours, au final.

Je ne sais pas ce qu'elle m'apporte. Peut-être l'assurance que je m'appartienne toujours : grâce à elle, je me dis que je garde le contrôle de ma vie. Et ça, personne n'a de prise là-dessus. Elle m'aide, par sa seule présence, à me dire "Un jour tout ira bien", et ce jour c'est moi qui le déciderai. Grâce à elle.
C'est mon ombre, personne ne la remarque, mais elle existe. Elle m'aide à tenir droite, parce que je sais qu'elle sera là, le jour où je m'écroulerai. Ce jour-là, ça sera le bout de la nuit.
Elle m'aide à rester moi, car elle prend tout pour moi. Elle encaisse les coups et ça la fait grossir. Bien plus vite que moi, c'est dire si elle grossit vite. Elle s'enfle du malheur. C'est dire si c'est une bonne amie. Pendant ce temps, moi je vais bien.

Elle ne m'apporte rien, mais elle prend tout. Je sais qu'un jour, elle réclamera le retour d'une amitié si fidèle.

Et ce jour-là, comme Larry dans Ally McBeal, "I'll just leave a note".

(Noir Désir a dit "Nous n'avons fait que fuir, nous cogner dans les angles". Benjamin Biolay a dit "J'ai peur dans le noir, peur du hasard, j'ai si peur des sentiments, les mots c'est du roman". Ca doit être ça.)




mercredi 22 février 2006

It's all about love

"It's all about love", film de Thomas Vinterberg. Je l'ai revu hier (je bénis au passage les chaînes de cinéma), et ça m'a fait le même effet qu'en le voyant au cinéma, en 2003. Et même plus, parce que le revoir m'a permis de mieux le comprendre.

C'est un film poétique, c'est une oeuvre sombre et lumineuse à la fois, c'est un monde borisvianesque : Vinterberg donne une vie à des sentiments abstraits. Le manque d'amour provoque des arrêts cardiaques, l'indifférence fait s'envoler les Ougandais car ils ne comptent plus, le monde devenu "froid" subit une tempête de neige généralisée.. Ca me rappelle tellement le nénuphar dans le coeur de Chloé, ou la Gloïre de l'Arrache-Coeur : rivière polluée dans laquelle chacun déverse sa honte.
Et puis Vinterberg met en relation l'histoire particulière de John et Elena avec ce qui se passe dans le monde. Tout est lié, croisé, uni par les interventions ponctuelles du frère de John qui survole le monde en avion. Son "rapport sur l'état du monde" s'achève ainsi : It's All About Love.

Et cette phrase devient obsédante. Sa simplicité provoquante, son évidence affligeante, et pourtant..
It's all about love.
Pour de vrai.




lundi 20 février 2006

From Paris to Normandie

2 semaines de vacances, elles n'étaient pas de trop. Ni pour s'amuser, ni pour travailler, ni pour dormir (de temps en temps).

Ce n'est pas pour ce que je travaille (ma prépa est une prépa de glandeurs certifiée conforme aux normes de la flemme organisée), mais pour la énième fois : qu'est-ce-que c'est impossible de se réveiller à 6 heures du matin. Surtout que la dernière semaine de cours s'est faite sans la compagnie de Fabien le matin, parce qu'il était en voyage de classe. Alors vu ma motivation débordante, j'attendais ces vacances avec impatience.
Entre l'anniv' d'Iza, la nuit que j'assume presque (ou pas) dans une boite de nuit branchée, et la soirée Charlie et la Chocolaterie, la première semaine était celle du défoulement.
La deuzième semaine était plutôt celle du repos chez mes grands-parents, apaisement et travail au calme.

Après un DS de lettres le samedi des vacances (le samedi des vacances !), les vacances ont commencé par une après-midi entière au Malongo avec Elsa, encore plus fatiguée que moi. Elles se sont finies par une dimanche entier consacré à la révision de mon concours blanc d'histoire, celui de ce matin, après moins de 4 heures de sommeil.
Je ne me suis rien épargné, aucun repos la première semaine : déjeuner chez Iza le dimanche midi, manif le mardi jusqu'à la fin du parcours, le lendemain à midi à JJ pour bosser un peu l'histoire, le soir même à 23h à la soirée du BDE de Scpo jusqu'à 5h du mat', le vendredi de nouveau à JJ à midi, samedi soir aux 20 ans d'Iza, et le dimanche soir chez Coline pour une soirée Charlie et la Chocolaterie, alors que je devais être chez moi le lendemain midi, et repartir aussitôt en train pour Caen.
Je me demande parfois si je suis née avec un gène Duracell. Enfin, je reste loin de mon record de l'an dernier (et encore heureux). Et puis ça valait la peine de faire ces efforts, pour voir Iza, Anète, Lorane, Skou, Coline, Elsa et Charlotte.

La deuzième semaine, elle, était celle du sommeil. Des nuits de 10h presque chaque fois, malgré les +/- cauchemars, parce qu'il fallait ça pour recharger les batteries.
C'était un peu une coupure du monde aussi, qui était nécessaire, parce qu'il faut bien avouer que mes grands-parents habitent un trou paumé sur le littoral normand. Redevenir calme et tranquille dans cette maison familière. J'étais avec ma mère et mes grands-parents, et accessoirement avec mes polys d'histoire. Sans l'ordinateur ni le portable (ou presque), dont j'avais oublié le chargeur à la maison, j'ai travaillé avec une efficacité assez redoutable. En 3 jours, j'ai fait un travail qui m'aurait demandé une semaine entière ici.
Et puis revoir avec des yeux nouveaux cette plage un peu trop arpentée de long en large. Peut-être avec les yeux de celle qui a tellement besoin de calme, qu'elle redécouvre la mer comme un tranquillisant. En plus, c'est la première fois que je voyais une telle lumière à cet endroit. J'ai maudit les piles de mon appareil photo sur 15478 générations.

Si j'avais à résumer ces 2 semaines, ce serait par l'ouïe et la vue : les décibels à fond dans les oreilles toute la semaine, les lumières des projecteurs et celles de Paris. Les semaines du corps aussi : corps qui se fond dans la musique, et corps qui se régénère avant de toucher à ses limites (m'évanouir une fois l'an dernier m'a suffi).
C'étaient de bonnes vacances.

Et sinon, j'ai acheté de nouvelles piles rechargeables pour mon appareil photo, qui refusait de marcher plus de 2 minutes d'affilée depuis décembre. J'ai retrouvé le prolongement naturel de ma main. Voilà, je sais tout le monde s'en fout, sauf moi, mais c'est mon blog. Hinhin.

[ Bande Son ] (chanson qui donne envie de se nonner, mais le clip est le meilleur clip du monde, mieux que Lorie et Chimène Badi réunies)

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[Edit] Je mets les paroles de cette chanson, cette oeuvre littéraire le mérite bien. Et je me répète : le clip est génialement kitsch.

Stacie Orrico, Stuck

I can't get out of bed today
Or get you off my mind
I just can't seem to find a way
To leave the love behind

I ain't trippin
I'm just missing you
You know what I'm saying
You know what I mean

You kept me hanging from a string
Why you make me cry ?
I tried to give you everything
But you just gave me lies

Every now and then
When I'm all alone
I be wishing you would call me on the telephone
Say you want me back
But you never do
I feel like such a fool
There's nothing I can do..
I'm such a fool
For you

I can't take it
What am I waiting for ?
My heart's still breaking
I miss you even more
And I can't fake it
The way I could before
I hate you but I love you
I can't stop thinking of you
It's true
I'm stuck on you

Now love's a broken record that's
Been skipping in my head
I keep singing yesterday
Why we got to play these games we play ?

Every now and then
When I'm all alone
I be wishing you would call me on the telephone
Say you want me back
But you never do
I feel like such a fool




samedi 4 février 2006

Mourir un peu

A la fin tu es las de ce monde ancien (Apollinaire)
Enfin donc un soir, j'ai changé de peau,
J'ai mis une écharpe, des gants, un chapeau
Et, malheureux, j'ai consciemment perdu la mémoire.
(Les Ogres de Barback)
Je pourrais bien brûler les preuves
Etre inconnue à cette adresse
Et ne plus jamais reconnaître
Ta voix que je connais si bien.
(Keren Ann)



Quelqu'un (mais je sais pas qui) a dit "partir, c'est mourir un peu". Je crois que le désir de partir, pas simplement voyager, est effectivement une sorte de suicide. On s'exile quand on veut nier sa vie, son passé. Quand on voudrait repartir de zéro pour s'offrir une nouvelle vie. Et pas juste un désir de nouveauté, c'est bien plus : le seul moyen de se retrouver face à soi, quand on s'est perdu dans les autres.
Abandonner cette part de soi qui appartient aux autres et vivre ailleurs.

Ailleurs est un mot plein de promesses. "Ailleurs". Changer de lieu pour se consoler de ne pouvoir accélérer ou ralentir le temps. En fait, quand on part, on accélère le temps, d'une certaine façon : les mauvais souvenirs s'effacent tout seuls, alors qu'il faudrait des mois ou des années pour les oublier. Partir pour oublier, oublier "ta voix que je connais si bien", par exemple.
Faire table rase des fantômes.

Table rase, tout envoyer en l'air, parce que l'air ambiant me pèse.
Partir loin de la grisaille ambiante, loin de Montreuil loin de Paris. J'aime beaucoup ces lieux (heureusement parce que je n'ai pas bougé depuis ma naissance), mais vient un moment de "trop plein". Quitter des lieux un peu trop familiers, un peu trop arpentés, un peu trop marqués par mes souvenirs. Chaque rue, chaque recoin, chaque parc, chaque promenade me ramène un peu trop à des vies que j'essaie d'oublier. Des trottoirs aussi usés que ma mémoire.
J'aimerais prendre la fuite.

Fuite. Le mot est lâché. Une fuite, parce que je ne sais faire que ça.
En seconde, j'ai fui Ludivine, puis j'ai fui Charlotte (une des nombreuses Charlotte que je connais, différente de celle de l'article précédent). J'ai changé deux ou trois fois d'adresse Msn pour fuire des personnes que j'aimais. J'ai fui Antoine, j'ai fui Philippe. J'ai aussi fui la confrontation avec les filles qui ont presque pourri ma scolarité, alors que j'avais le besoin presque physique de leur mettre ma main à la gueule. J'ai fui cette salope d'Aurélia, et peut-être me faudrait-il une nouvelle fuite pour oublier cette première lâcheté. Arrivée en hypo, j'ai encore cherché à fuire une certaine image de moi qui me collait trop à la peau, comme une renaissance.
Là j'aimerais tant "tout" fuire ou presque. Fuire ma mère, peut-être pour avoir une chance de grandir enfin, loin de sa présence envahissante. Fuire aussi qui est tout pour moi, mais qui m'empêche d'aller de l'avant. Fuire une vie très belle, mais qui m'a coincée dans les filets de mes mauvais souvenirs. Fuire toute ces fuites. Aller jusqu'au bout de ma logique.

Et ma logique est simple, c'est celle de tous ces gens : "Marc Antoine a perdu un empire pour Cléopâtre. Ophélie se jeta dans la rivière parce qu'elle crut qu'Hamlet ne l'aimait pas. Doña Inés se suicida pour don Juan et revint du paradis afin d'intercéder pour le salut de son âme. Werther se tira une balle dans la tempe quand il apprit le mariage de Charlotte. Rimbaud, qui avait écrit des oeuvres magistrales à seize ans, n'écrivit plus une ligne à partir de sa rupture avec Verlaine, devint trafiquant d'esclaves et se suicida sur le plan littéraire. Camille Claudel était folle de Rodin, qui ne leva jamais le petit doigt pour elle." (Lucia Etxebarria, Amour, Prozac et autres curiosités)

Et moi, je veux partir pour oublier.

[ Bande Son ]