dimanche 26 décembre 2010
Ma machine à désirer est éteinte. Rien à attendre, rien à vouloir, rien à faire.
Rien à foutre.
mercredi 15 décembre 2010
J'ai commencé à lire Voyage au bout de la nuit en classe de Terminale. J'en étais très fière parce que c'est un des rares archi-classiques que j'ai lu et dont je peux réellement parler. Seulement, je me suis rapidement arrêtée, genre à la centième page. C'était suffisant pour savoir que ce livre allait être mon préféré, mais pas assez pour deviner à quel point il allait me bousculer. Et puis je l'ai repris en fin d'hypokhâgne, quand Jean-Baptiste m'a dit qu'il venait de le lire. L'envie m'est revenue : c'était bientôt la fin de l'année, il faisait beau, je voulais me remuer les tripes.
Robinson est le seul personnage de fiction qui m'ait obsédée, et qui m'obsède encore, autant. Il y a bien Helen Keller, mais elle, elle a réellement vécu. D'autres m'ont émue, Lyra et Will du Miroir d'Ambre, certains m'ont fascinée, Allis LC Wonder de Virus LIV3, je ne parle même pas de ceux qui se sont approchés à 2 cm de moi, Wolf de L'Herbe rouge. Non, Robinson, c'était plus que ça. Lui, c'est la force de l'absence, la puissance narrative en négatif. Le non-dit qui explose à la fin du roman. Toute l'histoire peut se relire différemment une fois qu'on sait qu'il se tire une balle à la fin : la quête de Ferdinand, les apparitions sporadiques de son personnage, le sens même du Voyage. Ca m'avait rappelé la tête "qui prend les dimensions de l'Univers" dans Un Roi sans divertissement.
Robinson est un "dark passenger". Bien avant "l'ennemi intérieur" de Nothomb dans Cosmétique de l'ennemi, bien avant le "dark passenger" de Dexter, il y eut celui de Ferdinand. Néanmoins, ils sont tous des avatars du même personnage au final. Tous m'ont pris la main pour me désigner la même chose. C'était encore beaucoup trop confus quand j'ai lu Nothomb pour que je le comprenne. L'histoire de Robinson, elle, m'a montré l'endroit précis, m'a mis les doigts en plein dans la plaie, dans ce trou noir qui absorbe tout sur son passage. L'histoire de la cube est, peut-être, ce dévoilement du trou noir. "Finally, the truth.".
Dexter a un "dark passenger". Il l'ignore, mais il n'est pas le seul dans ce cas. Debra, Rita, Lumen, son père, tous l'ont ou l'ont eu. Il l'ignore, mais tous ont affaire à leur "darkness" propre. C'est normal, il est tellement auto-centré qu'il ne le voit pas, tout préoccupé qu'il est à observer son propre trou noir. Robinson, c'était l'égocentrisme du suicide ; dans le cas de Dexter, l'égocentrisme est juste dirigé ailleurs.
Il n'empêche qu'une différence monstrueuse existe entre eux et le reste du monde : ils n'ont rien trouvé de suffisamment consistant pour remplacer l'espace énooorme du trou noir. Ferdinand a trouvé, Debra a trouvé. Mais Dexter n'a d'autre solution que redoubler ses propres ombres avec celles de Lumen, sinon il s'écroulerait. Mais Robinson n'a d'autre solution que se tuer, peut-être pour laisser Ferdinand vivre.
Moi, je n'ai ni "dark passenger" ni Robinson pour me guider. En revanche, le trou noir est là, immense. Il est dans la place, comme on dit. Il me semble souvent plus réel que la réalité, plus consistant que la chair, plus solide que celui des autres. Pourtant, je passe mon temps à chercher ce qui existe dans les tripes des gens, à sonder la profondeur de leur trou noir. Parfois, je crois me voir en miroir, mais je n'aurai jamais de réponse à ma question. Tout ce que je sais, c'est ce sentiment de solitude et d'abandon après. Après. Après avoir cassé l'assiette, après avoir dit "You're right about everything, we're not the same".
Peut-être que Lumen/LaBlanche ont eu raison de partir après tout. We're not the same.
mercredi 1 décembre 2010
Le jour de la dernière épreuve écrite, j'ai crié. J'aurais voulu crier plus fort, mais je devais me tenir un minimum. En réalité, tout mon corps a hurlé pour moi de délivrance. Chaque jour depuis est un remerciement à tous les dieux de m'avoir libérée. Mais ce quotidien commence à me poser question. Mon petit doigt me dit que quelque chose est resté coincé dans ce foutu cube.
L'explosion a causé trop de dégâts, a éparpillé trop de débris aux quatre vents.
Extraits choisis de ce même blog, du plus récent au plus vieux. Plongée dans la mémoire : mais où est donc le putain de secret de cette année qui m'a laissée sur le carreau, même encore aujourd'hui ?
* J'ai tellement l'impression d'être revenue de loin que je ne regretterai jamais d'avoir affronté cette épreuve. Je me suis prouvée de quoi j'étais capable.
* L'hypo me semblait le maximum faisable, mais l'expérience-limite de la 3e année de prépa a bousculé ce que je pensais de mes propres limites.
* Lassitude. La prépa m'a vidée.
* Frustrations. La khâgne-bis fut la fabrique de la frustration, du début à la fin.
* Pendant que je m'enterrais dans mes livres, je ne pensais pas à tout ce qui me tordait les tripes à la rentrée. Ca ne m'a pas empêchée de pleurer, certes, mais pour d'autres raisons. J'ai tout mis sur le dos des dissert' et autres devoirs, pour mieux oublier tout ce qui me posait problème.
* Peut-être aussi que ce "quelque part" est celui de Robinson.
Dans ce cas, tout va bien, car c'est déjà prévu.
* Je n'ai pas l'énergie d'aller à contre-courant de ma lâcheté. L'immobilité est le meilleur moyen de ne pas replonger la tête la première dans les problèmes d'où je ne sors jamais indemne.
* Gone with the khâgne : Les concours blancs !!!!!!!!!! Les nuits blanches Les crises de larme (comment ai-je pu oublier le pire)
* Sur mon lit de mort, je dirai "Je me souviens de la soirée où je suis devenue libre, la soirée qui a marqué la fin de la khâgne, après des semaines et des semaines de travail ininterrompu."
* 10 jours en Normandie, 8 jours de concours.
Et on verra bien à quoi ressemble le résultat final par-rapport aux notes de l'année.
* Je me retrouve face à des infinités (ou presque) de choix possibles, sans me sentir une merveilleuse capacité de discernement pour l'avenir. Comment savoir ?
* J'ai réalisé que l'an prochain je serai ailleurs. Fin de la prépa.
Qu'en dire ?
...
* Je me sens à présent incapable de faire des vagues autour du moindre de mes sentiments, j'ai tout poussé pour que ça rentre dans le cadre de l'acceptable.
* A force de remuer mon malheur, je n'y ai plus cru. Ce qui ne va pas, c'était le cercle vicieux du souvenir.
J'ai mis toute la force dans mon poing pour briser le miroir qui me renvoyait ma propre image. Ca s'est fait dans la violence, dans les larmes et dans la rage.
* Peut-être que je me suis endurcie, qu'il ne reste plus la moindre partie de mon corps qui puisse croire au désespoir.
Au fond, j'ai toujours su que j'étais plus forte.
* Philou-le-prof, passant dans les rangs et s'arrêtant derrière moi : "Je sais pas ce qui s'est passé. En fait, si, cet exercice vous pose des difficultés, et vous n'aimez pas avoir des difficultés ! L'orgueil est votre force.. et votre faiblesse."
* Grâce à mes Sweet Sixteen, la vie qui remonte du fond des tripes, je sais que je serai toujours plus forte que tout.
* Céline : "C'est peut-être ça qu'on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir."
* J'ai perdu les formes des sentiments.
* Certes, j'euphémise la khâgne-bis, quand je parle de fatigue.
* la force revient quand je me récite les prénoms de mes amis, prière incantatoire même si faussement performative, pour moi qui suis toute tendue dans l'attente de passer un moment avec eux, la force me vient de tous ceux qui croient en moi à ma place,
la force des amis.
* Je suis partie ce matin [dernier jour d'inscription] en oubliant les papiers [d'inscription au concours] dans ma chambre.
* Je procède par allusions, car même parler me fatigue. Je ne me sens pas la force de dire ce qui ne va pas, que la khâgne-bis ça te fait bouffer tes tripes par les narines (surtout que je rame plus que les autres cubes, ce qui n'est pas particulièrement rassurant en soi), et que tout le reste vient se greffer par-dessus, s'accroche aux tripes arrachées ci-dessus, tournoie et se dépouille les restes de ma force.
* La douceur de vivre tient résumée dans ce rappel : il y a eu des belles choses, il y en a peut-être actuellement dont je ne me rends pas compte, et il y en aura plus tard. C'est certain. J'y crois avec la force du désespoir.
* Je souhaite que 2007 soit l'année des promesses réalisées.
* La douceur du calme et de l'ouverture, après l'angoisse de l'isolement et du stress khagneux.
* Je pleure souvent, sans savoir vraiment pourquoi
* calmes et tranquilles
calmes et tranquilles
calmes et tranquilles
calmes et tranquilles
calmes et tranquilles
un jour.
* J'ai parfois l'impression que je pleure de rire simplement pour compenser les autres larmes. Je ris pour tout et n'importe quoi, comme ça a toujours été le cas chez moi. Mais les dernières semaines ont exaspéré cette tendance, à tel point que je sonne parfois faux à mes propres oreilles.
* La contraction du jour dans la nuit crée un espace fabuleux, où seul le calme règne. Exit les démons qui ne résistent pas à mes bâillements redoutables : le jour devient un moment feutré où même les larmes ne font aucun bruit et disparaissent aussi vite qu'elles sont venues. Je dors debout.
* La prépa, parlons-en. Un joli phénomène, de cuber. On se lance dedans sans trop savoir pourquoi, et on finit par y tenir comme à la prunelle de ses yeux. Heureusement que j'ai eu cette idée saugrenue, même dans une autre spécialité, même dans un autre lycée que ma première khâgne.
* Moi : "Le moment le plus jouissif, c'est quand on sort d'un DS d'histoire !"
Marianne : "On a vraiment des vies de merde."
* Et ce soir-là, tout est remonté à la surface, j'ai eu envie de vomir tout ce que je gardais enfoui en moi depuis des années.
* Je me souviens que je ne voulais pas partir au voyage d'intégration la semaine dernière. Je suis partie à la gare de Lyon à reculons mardi matin, mais suis revenue jeudi soir la tête pleine de souvenirs et d'échos de nos fous rires.
* Ca fait du bien de revenir, même au prix d'un volume horaire de travail sans comparaison avec l'an passé.
Non, j'ai beau lire et relire, je continue de me sentir comme quelqu'un qui cherche un objet sur une étagère en sachant qu'il s'y trouve mais sans le voir. Si vous avez une idée, je prends.