mercredi 24 mai 2006

I see dead birds

Je suis cernée. Cernée d'oiseaux morts.. au sens propre s'entend.
J'en vois toutes les semaines, parfois plusieurs en quelques jours. Je rêve même d'animaux écrasés, à tel point que ça vire à l'obsession.

On dirait un film gore, dit comme ça. De mon point de vue, c'est encore mieux, car je suis aux premiers rangs du spectacle. Je ne sais pas si les oiseaux font exprès de gésir sur ma route, mais ça y ressemble fortement. Peut-être que c'est uniquement une question de malheureux hasards, ajouté au fait que mes yeux sont attirés par ce qui a giclé sur le bitume.
En tout cas, ça devient très très légèrement insupportable.

Ca dure depuis quelques mois, je dirais depuis la rentrée à peu près, parce que je n'ai pas de tels souvenirs de l'an dernier. Je ne rêvais pas d'oiseaux morts.
Chaque fois que je vois un oiseau, je me le représente écrabouillé. Quand il y en a qui s'égarent sur la chaussée, mon coeur s'accélère et tressaille (tressaillit ? J'ai perdu mon Bescherelle) à chaque voiture qui passe. Je stresse littéralement quand je vois des pigeons sur le point de se faire écraser, quand ils tardent à s'envoler.
Ce n'est pas réservé aux pigeons : il y a quelques mois, j'ai vu un petit chien passer sous les roues d'une voiture, mais en sortir indemne par miracle, malgré le roulé-boulé effectué sous la carosserie. En soi, ça n'a rien de grave, mais ça s'ajoute à la liste.

Ca s'incruste même dans mes rêves, et je ne comprends pas ce que ça signifie. Quand la grippe aviaire était encore à la une, j'avais rêvé de dizaines de poules à moitié déplumées, totalement mal en point, et certaines sur le point de se faire écorcher vives, si je me souviens bien. En tout cas, j'ai le souvenir de scènes horribles auxquelles je ne voulais pas assister, et j'en hurlais de refus.
Il y a quelques jours, ce sont des hamsters, ou en tout cas de sympathiques petits animaux à poils, qui se faisaient marcher dessus dans une animalerie. Pas de sang, rien, juste que j'étais consternée par la souffrance que devaient ressentir ces animaux, et je me suis réveillée au moment où j'arrachais un animal de sous une semelle.
S'il y a un psychanalyste dans l'assistance, hin..

J'attends gentiment que ça se calme. Mais ça tarde.
Comme tout.




La chute

Je m'éclate en mille morceaux, chaque fois que je tombe à terre et que tu n'es pas là pour me rattraper.

Tu te connectes, tu restes quelques minutes à peine, et tu repars.. sans m'avoir parlé. Tu réponds par pure politesse "Merci beaucoup, c'est très gentil" quand je t'envoie un sms d'anniversaire. Evidemment, tu ne me téléphones plus non plus. C'est drôle, presque au sens propre, de sortir aussi vite de ta vie.
Je ne sais pas lequel de nous deux en souffre le plus, mais je peux prédire avec certitude que tu t'en remettras bien plus vite que moi.

C'est un peu pathétique, car j'y perds mon amour-propre. Je ne sais même pas s'il existe encore. La dernière fois, je donnais tout de même le change auprès de mes amis, car presque personne n'était au courant. Si j'avais l'air d'une loque, c'était uniquement à mes propres yeux.
Depuis quelques mois, je dois également affronter le regard des autres, ceux qui sont au courant, qui savent que ça ne va pas, sans en savoir plus. Et je dois me battre pour relever la tête quand j'ai envie de hurler. Je suis suffisamment passée pour une loque ces derniers mois, je ne le veux plus.

C'est pas très facile, mais je fais des efforts. T. m'a même de nouveau appelée tout à l'heure. Et puis j'ai passé la journée à être comme d'habitude, c'est-à-dire souriante, riante même, bavarde et surdynamique. J'ai mentionné ton prénom, je l'ai dit sans trembler.
Mais je n'oublie pas que nous ne nous sommes pas parlé depuis plus d'une semaine.

C'est le néant qui s'ouvre sous chacun de mes pas, et pourtant. Pourtant je fais des efforts. Juré, craché.
La preuve : j'ai presque pas pleuré depuis une semaine.




vendredi 19 mai 2006

Nyx

La vie est un voyage au bout de la nuit. L'épaisse noirceur de cette phrase me transperce, elle est si belle.

"Notre vie est un voyage
Dans l'hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel où rien ne luit"
(exergue)

Je devrais relire ce livre à l'infini, l'apprendre par coeur, me le réciter, m'en faire une prière quotidienne. C'est ma clé, le fil rouge de mes pensées, la Bible à laquelle je reviens quand j'ai besoin d'une attelle.
Aussi puissant que les mots de Boris Vian, de Debout Sur Le Zinc et de Zazie. Un concentré de "Je voudrais pas crever", "La déclaration", "Lola majeure" et "La vie devant moi" réunis.
Une claque, en somme. La claque qui réveille quand.. ?

La nuit est chez moi, c'est mon côté Robinson, avec son idée "magnifique et bien commode pour.." La nuit est à moi depuis ma naissance. Ma mère n'a jamais su comment me faire dormir, et je n'ai jamais changé depuis mes 3 mois.
"Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore ?" Moi je ne dors pas, parce que ma tête est en bordel, en remue-méninges permanent. Mon père m'a dit, quand j'étais petite, "ne pense à rien pour mieux t'endormir". Si seulement c'était possible, optimistique-moi papa. Pourquoi je n'ai jamais réussi à vider ma tête ?

Mais la nuit, encore et toujours. Notre vie est une voyage dans l'hiver et dans la Nuit, c'est tellement ça. Parfois, il y a de la lumière quand-même, plus éclatante, plus éblouissante. Un peu comme des éclairs dans un écrin de nuit.
Douceur et calme. L'apaisement de cette certitude : la vie est un voyage au bout de la nuit. "De la vie au fond du noir". Ce con de Céline a tout compris, et je me plie à son bouquin, car je n'y peux rien. Que des espoirs sceptiques dès les premières pages : "Ce Robinson comptait donc sur la nuit pour nous sortir de là ?" Traverser les ombres, aller, aller, toujours un peu plus profond, Noirceur-sur-Lys est mon espace de vie, à arpenter de fond en comble.
Et on n'y peut rien. Le calme d'Oedipe vu par Antigone.

Ca fait peur, la nuit, toute seule.
"The whole machine devotes itself coldly to the destruction of his difference", et c'est même pas moi qui le dit. Une seule personne pourrait comprendre, la même qui pouvait allumer la lumière, et conjurer ma peur du noir.

Un voyage au bout de la nuit, rien que ça. Pas de Grâce pas de chocolat, Racine avait prévenu.




mardi 16 mai 2006

Au Bazar du Temps

Cette fin d'année scolaire a un goût étrange, très étrange. Elle ne ressemble à aucune autre.

D'habitude, une fin d'année représente à mes yeux une rupture. C'est toujours un peu un drame de laisser derrière moi une année scolaire, et de me dire que tout ça deviendra des souvenirs. Je ne supporte pas les "fins de..", et il n'y a bien que le soleil esitval pour me consoler.
Je me souviens de l'été dernier. Je me souviens des rayons de soleil qui nous éblouissaient, alors qu'on dormait au soleil entre deux cours, je me souviens de Cergy, du camping, je me souviens de mon anniversaire pour les revoir une dernière fois avant les vacances, et "Cracher nos souhaits" qui remontait la mélancolie à fleur de peau.

Cette année est un hybride, un monstre étrange qui me laisse pensive. J'ai passé l'année à me dilater aux dimensions de l'Univers. Je me suis décomposée et dispersée aux quatre vents.
De soirées en soirées, de cours en manifs, je n'existe plus que par les autres.
Je me suis découverte une capacité exponentielle d'ouverture aux autres, qu'ils deviennent des amis ou restent à jamais des "amis d'amis". Je croyais avoir atteint les limites de ma sociabilité, mais je les ai repoussées loin, très loin, tout au long de l'année.

Et c'est un peu là qu'est mon faux problème.
C'est un faux problème, car je ne me plains pas d'avoir plus d'amis, ni d'avoir "un emploi du temps de ministre" (comme dirait ma mère, qui m'a gentiment proposé une secrétaire "pour gérer les sorties").
Mais le puzzle de mes amis est devenu très complexe. Je pourrais presque dessiner un réseau des gens que je connais, façon Jet-Set, si seulement je m'y retrouvais moi-même. Et c'est exactement ça qui rend cette fin d'année si particulière.
Je me suis éclatée entre tant d'Univers, que je ne peux plus unifier cette année sous un souvenir global.

Je suis passée d'une prépa à une autre, et malgré ce que j'ai pu dire de F., je ne sors pas inchangée de ce lycée. Je m'y suis fait des amis, et il fait définitivement partie de moi à présent. Mais ces souvenirs se superposent à ceux de Jaurès où j'ai passé au moins autant de temps.
Les manifs m'ont également fait connaître de nouvelles personnes, mais les images associées sont autant celles de Montreuil que celles de Saint-Michel.
Je me suis écart(el)ée entre deux mondes radicalement différents. Et ces vacances s'annoncent comme tout sauf une rupture, puisqu'il est probable que je retourne à Jaurès l'an prochain.

Jusqu'à il y a quelques semaines, je crois que je pouvais encore trouver de quoi unifier mes souvenirs de cette année, malgré tout. Malgré les amis d'amis rencontrés, malgré les amis de la soeur du meilleur ami du petit-copain (authentique), malgré les amis de l'amie du petit-copain de l'amie (re-authentique), malgré des amis aussi différents que ceux de la pré-adolescence ou ceux rencontrés par Internet, je pouvais encore trouver un fil rouge à mon année.
La réponse tient en 5 lettres, commence par "Si" et finit par "kou". Sauf que, sauf que. Pour jouer à la devinette : même tout ça pourrait bien se trouver bousculé rétrospectivement par les toutes dernières semaines. Et puis même, la fin de l'année scolaire ne créera pas de rupture avec lui, puisque je serai dans sa classe (pour ma première fois) l'an prochain.

Je ne sais pas quoi penser de cette année. Elle a été un bordel formidable, une explosion d'amitiés, de chaleur humaine, de mains tendues à tout moment. Mais c'était au prix d'une navette permanente entre tout ces petits mondes, qui ne m'aide pas à y voir clair.
Je pars en vacances, sans savoir précisément ce que je quitte, ni même ce que je vais retrouver l'an prochain.

J'ai toujours eu un fil rouge à mes années scolaires. J'ai toujours fini par faire le deuil de telle année, en la rangeant avec une petite étiquette dans mon armoire à souvenirs. Comment ranger ce qui part dans tous les sens ? C'est un puzzle 15300 pièces que je dois reconstituer avant de pouvoir passer à autre chose.

"La vie est décousue", comme dirait Andre Dhôtel. La mienne, en ce moment, est un patchwork à recoudre.




dimanche 7 mai 2006

Jacadi a dit

Hier, à presque 2h du matin, après un cocktail Gin/Manzana, un demi, et une vodka orange (le tout à jeûn, c'est bien plus drôle) :

Moi : Hum, on est plus ensemble ?
- ...
- Oui non oui non oui non oui non ?
- Oui.
- Oui, on n'est plus ensemble ?
- Oui.

Jacadi a dit : Ne pleure pas
Jacadi a dit : Tu iras mieux demain

Parfois, les choses ne se passent pas comme on l'aurait voulu. C'est.. pas facile de l'accepter. Mon Dieu, comme il faudra du temps. J'ai toujours besoin de beaucoup de temps. Et surtout beaucoup besoin de mes amis.
Merci aux câlins, merci aux sourires, merci aux guitares, merci aux "Tu veux t'appuyer sur moi ?" qui font du bien, quand on a l'impression que rien ne tient plus debout.

Jacadi a dit : Ca ira mieux demain.
Il le faut bien.




samedi 6 mai 2006

Chut

Les non-dits, les deuils et les pleurs
Le tout nimbé dans du silence
Dans lequel tu t'enfermes à outrance

(Debout Sur Le Zinc, Comme s'il en pleuvait)

Mon téléphone sonne, mais ce n'est jamais le nom attendu qui s'affiche. Je reçois un texto, mais ce n'est pas non plus celui de la personne espérée. Quand c'est mon fixe qui sonne aux heures où il avait l'habitude d'appeler, il me faut quelques instants avant de me rappeler qu'il n'appelle plus sur le fixe. L'interphone hurle, mais ce n'est pas son nom qui répond.
Son ombre passe derrière chaque bruit, chaque sonnerie. Mes journées étaient rythmées par son nom à l'interphone, son nom sur mon téléphone, son nom prononcé par ma mère "Marine, c'est ..."

Et moi dans tout ça, je ne sais plus où j'en suis.

C'est d'une banalité tellement affligeante que je refuse d'en pleurer. Et même, je ferai tout pour que ça reste banal. Je ne veux plus de drames, je ne veux plus de parodies de tragédie, je ne veux plus croire à l'indicible.
Tout sera normal, normé s'il le faut, et tout sera dit. Je dirai son prénom, je le répèterai, je parlerai de lui. A défaut d'exister à mes côtés, c'est l'écho de son nom qui m'accompagnera.

Parce que je sais que c'est bientôt la fin. Ca a souvent été "la fin" entre nous, mais. Mais le contexte était tellement différent : j'étais sûre de ce qu'il ressentait, même s'il ne le disait pas. Là, le silence est de mise.
Le silence quand je m'énerve contre Clara, le silence quand je te parle de Tristan, le silence tout le temps. J'aimerais te secouer, pour que tu me dises que tu tiens à moi, que tu m'aimes, que je suis la seule, la plus belle, la plus drôle, la plus sympa, la plus mieux, la plus tout.. mais le silence.
Et je ne sais plus. Ni pour lui, ni pour moi.

Banalité, quand tu nous tiens. Je ne pleurerai pas.

Ca briserait le silence.




mercredi 3 mai 2006

Instantané de lecture

"Hélène écoute-moi Je l'aime Elle est si belle
Je te le dis à toi qui ne crois qu'à l'amour
Il faut la voir dormir pour comprendre le jour
Pour comprendre la nuit il faut dormir près d'elle
Quel est donc l'insensé qui dit qu'une hirondelle
Ne fait pas le printemps quand sa lèvre est l'M où
Renaît le mois de Mai dès la première moue
Ravissante à la semblance d'un couple d'ailes
O monde merveilleux Je tremble Elle est si belle"

(Aragon, "Deux poèmes d'outre-tombe", Le Crève-coeur)