La vie est un voyage au bout de la nuit. L'épaisse noirceur de cette phrase me transperce, elle est si belle.

"Notre vie est un voyage
Dans l'hiver et dans la Nuit,
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel où rien ne luit"
(exergue)

Je devrais relire ce livre à l'infini, l'apprendre par coeur, me le réciter, m'en faire une prière quotidienne. C'est ma clé, le fil rouge de mes pensées, la Bible à laquelle je reviens quand j'ai besoin d'une attelle.
Aussi puissant que les mots de Boris Vian, de Debout Sur Le Zinc et de Zazie. Un concentré de "Je voudrais pas crever", "La déclaration", "Lola majeure" et "La vie devant moi" réunis.
Une claque, en somme. La claque qui réveille quand.. ?

La nuit est chez moi, c'est mon côté Robinson, avec son idée "magnifique et bien commode pour.." La nuit est à moi depuis ma naissance. Ma mère n'a jamais su comment me faire dormir, et je n'ai jamais changé depuis mes 3 mois.
"Ne croyez donc jamais d'emblée au malheur des hommes. Demandez-leur seulement s'ils peuvent dormir encore ?" Moi je ne dors pas, parce que ma tête est en bordel, en remue-méninges permanent. Mon père m'a dit, quand j'étais petite, "ne pense à rien pour mieux t'endormir". Si seulement c'était possible, optimistique-moi papa. Pourquoi je n'ai jamais réussi à vider ma tête ?

Mais la nuit, encore et toujours. Notre vie est une voyage dans l'hiver et dans la Nuit, c'est tellement ça. Parfois, il y a de la lumière quand-même, plus éclatante, plus éblouissante. Un peu comme des éclairs dans un écrin de nuit.
Douceur et calme. L'apaisement de cette certitude : la vie est un voyage au bout de la nuit. "De la vie au fond du noir". Ce con de Céline a tout compris, et je me plie à son bouquin, car je n'y peux rien. Que des espoirs sceptiques dès les premières pages : "Ce Robinson comptait donc sur la nuit pour nous sortir de là ?" Traverser les ombres, aller, aller, toujours un peu plus profond, Noirceur-sur-Lys est mon espace de vie, à arpenter de fond en comble.
Et on n'y peut rien. Le calme d'Oedipe vu par Antigone.

Ca fait peur, la nuit, toute seule.
"The whole machine devotes itself coldly to the destruction of his difference", et c'est même pas moi qui le dit. Une seule personne pourrait comprendre, la même qui pouvait allumer la lumière, et conjurer ma peur du noir.

Un voyage au bout de la nuit, rien que ça. Pas de Grâce pas de chocolat, Racine avait prévenu.