dimanche 10 octobre 2010

Ich werde eine Berlinerin sein

Ich war gewöhnt daran, auf Deutsch zu sprechen. Und dann vergass ich alles, weil ich von mir selbst separierte, vielleicht. Aber wenn ich Deutsch höre, hab' ich immer die selbe Reaktion, dass ich wie mich selbst fühle. Ein Gefühl von Fülle.
Oui, l'allemand, c'était mon trésor, mein froher Ort, wie man sagt. Ca l'est toujours d'ailleurs.

Ca a commencé à l'école primaire, après quelques heures de Frau Allelix en CM2. Je me souviens avoir pompeusement expliqué à ma grand-mère que je préférais l'allemand à l'anglais, parce que je jugeais ce dernier trop facile. Je me souviens avoir été la seule à savoir recopier "auf wiedersehen" sans faute dès la deuxième séance d'initiation. Je me souviens de tout cela et de bien plus, parce que j'en tire une de mes plus grandes fiertés. Mon trésor caché, my bonus track, mon joker quand je me sens normale.
Comme pour beaucoup d'autres choses, d'ailleurs, la valeur que prend l'allemand à mes yeux s'étalonne sur la valeur que ce talent de société prend aux yeux des autres, des profs notamment. Un jour, en faisant du tutorat à une collégienne de 6e, alors que j'étais en terminale, celle-ci me dit "Madame D a dit que tu avais été sa meilleure élève". Et j'ai choisi de le croire, parce que ses compliments étaient aussi rares que précieux.

Wenn die deutsche Sprache weit von mir flieht, fühle ich mich hilflos. Ce n'est pas parler anglais qui me fait me sentir bien. Ma première langue, après celles de ma mère bien sûr, c'est l'allemand. Deutsch hab' ich dich total lieb, ich bin verliebt in dich.

Il paraît que le moteur du langage est le désir, que l'inconscient est formé comme un langage. Je ne sais pas ce qui est le moteur de ce mouvement vers l'allemand, ich weiss nur, dass meine Liebe für fremde Sprache so stark wie meine Liebe für die Lesung ist. Mais il est vrai que tout ça, de toute façon, ça n'est qu'une histoire de mots. Ceux que j'ai entendus, ceux qui ont construit mon imaginaire, ceux qui m'ont bercée tant d'années.

Wörter von allen Ländern, vereinigt euch, ich brauche euch wie niemand jemals es gebraucht hat.




jeudi 7 octobre 2010

La mémoire La vraie

C'est à chaque fois le même émerveillement : comment cette information a pu être stockée dans ma mémoire ? Comment, entre deux dates, entre deux mots de vocabulaire, entre deux prénoms, cette sensation s'est-elle fait une place ?
Mon corps semble avoir bien plus de mémoire que ma réflexion. Et il semble bien prompt, ces derniers temps, à me le rappeler. Cet après-midi, ce sont mon palais et mon odorat qui ont été mis à contribution, pour cause d'achats fortuits à Auchan (la vie la vraie). Mon bain de bouche, le moins cher, bifluoré, m'a laissé toute l'après-midi un goût d'école primaire, quand on nous apprenait à nous brosser les dents avec un produit bien plus fluoré que mon Colgate Junior (et les trois souris, sur le tube, qui se grimpaient les unes sur les autres). Il y a aussi eu l'odeur de mon adolescence, celle d'une certaine nostalgie, parce que je me suis rabattue sur la mousse à raser pour hommes (toujours dans les rayons d'Auchan la vie la vraie), à défaut de trouver le gel pour femmes, et qu'après m'être rasée sous la douche, j'avais mon adolescence collée aux mains toute l'après-midi. C'était l'odeur des rendez-vous secrets, des nuques et des écharpes dans lesquelles je fourrais mon visage, l'odeur que je traînais ensuite sur mes propres écharpes.
Oui, mon corps n'a rien oublié de tout ça. C'est même incroyable que je puisse vivre chaque jour sans traîner tous ces souvenirs comme un poids, qu'ils soient rangés aussi bien que si Ikea avait designé les lieux. C'est pourtant si primal, si loin de la civilisation. Parfois j'en suis à sentir les personnes et reconnaître l'odeur de leurs appartements. Parfois, j'entends les voix dans ma tête des personnes que je ne fréquente plus, la basse Aurélia, l'enfantine Ludivine, et parfois ce sont leurs expressions du visage, soigneusement répertoriées, qui me reviennent, les fossettes de Charlotte, la main gauche de Julie.
Il est vrai que je n'ai pas besoin d'Auchan pour ces souvenirs-là. Deux secondes de concentration et mon corps voyage dans le temps sans carte Waooh!.

La prochaine fois, je tente le chocolat en granulés Pouce, pour le petit-déj chez mes grands-parents.