Une pizzeria désertée dans un quartier mort près d'un cimetière un dimanche soir, le cadre idéal pour réveiller les morts. Quelqu'un de profil, penché sur son téléphone, concentré ; j'ai attendu mes pizzas en l'observant comme une bête curieuse, tant son regard me rappelait le sérieux souvent vu dans le regard de cet Autre, disparu de mes jours il y a déjà fort longtemps. Suffisamment longtemps pour que je repense à nos blagues, notre complicité avec un pincement au coeur ; pas suffisamment longtemps pour qu'il ou elle ait complètement disparu de mon horizon.

Au commencement était le malentendu au fondement de cette mort prématurée : croire qu'un loup solitaire comme moi peut s'accommoder de la meute. C'est bien entendu faux, comme je le disais récemment à Laura : "moi, les groupes d'amis, c'est fini". J'ai eu ma dose de téléphones arabes, de malentendus, de couvertures, de secrets, de calculs et de manipulation. Je veux désormais que mes amis ne soient QUE mes amis, même si je m'accommode sans difficulté de leurs propres fréquentations. Je veux que tout soit simple et franc, honnête et direct. Je n'ai que faire des gens satellites qui parasitent l'essentiel.

Mais surtout, je veux que les morts, lorsqu'ils sont morts, soient isolés. Morts.

Parce que ce n'est jamais le cas : un rappel existe toujours, bien malgré moi. Je n'ai aucune difficulté à arrêter de fréquenter les personnes qui m'apportent plus de peines que de joies, et pourtant il m'est toujours difficile de les oublier totalement. La faute à quoi la faute à qui. La faute à ces groupes dans lesquels notre amitié s'est construite... et sans lesquels elle n'aurait pas existé, je le sais. Mais j'ai éclaté ces groupes pour n'en garder que l'essentiel.
Je me suis lancée dans une entreprise qui vise à remettre chacun à sa place. Les vivants auprès de moi, les morts, hors de mon champ de vision. Retour à l'essentiel, je chasse les morts qui ont eu leur chance et ont préféré les satellites. A eux le cimetière.

La place des morts, ça concerne ceux et celles qui croiront se reconnaître dans les premières lignes de cet article. A vous : ouste !