dimanche 30 septembre 2007

WonderPraeceptor

(ou "Salembier, sors de moi !")*

Je me suis découvert une vocation, voire plus : un don. Quelques heures par semaine, je suis possédée par tous les profs marquants que j'ai eus dans ma scolarité. Je les mixe, j'en prends le meilleur, j'y rajoute mes défauts, je fais la tambouille, et je me transforme. Je suis la rigide Déchamp, l'exaltée Salembier, la bavarde Pierret, la "fasciste à visage humain" Mas.
Tout ça à la fois et plus encore, en un véritable défilé. Et j'adooooore ça.

J'avais déjà donné des cours particuliers quand j'étais au lycée, en 1e et en TL. Mes élèves étaient en 5e, 4e et 3e. Nous travaillions le français, les mathématiques et que sais-je encore. Je n'avais servi qu'à les maintenir à flot, parce que leurs difficultés me dépassaient, même si j'adorais quand, sur le coup, je parvenais à me faire comprendre.
Avec la prépa, j'ai laissé de côté toute idée de cours particuliers, sans pour autant renoncer à "jouer la prof" de temps en temps. Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis retrouvée en situation d'expliquer à mon père une période historique, à mes cousines une méthode pour un devoir, ou encore de passer une heure sur de la philo, etc.
J'aimerais avoir le monde entier pour élèves.

Cette année, je ne suis pas loin d'avoir un échantillon du monde entier. Je donne des cours pour deux sociétés (que je ne nommerai pas, même si je n'ai lu aucune clause d'exclusivité dans leur contrat ahah). Elles m'envoient aussi bien dans le 17e que dans la partie gratinée du 9-3. Sur mes quatre élèves actuels, nous avons :
* un petit riche adorable, mais sans difficultés, pour des cours de latin de 4e ;
* un petit Noir de Bagnolet, perdu dans les mathématiques de 6e ;
* un petit original en 5e, ventousé à sa mère, et qui n'hésite pas à me reprocher mes méthodes fascistes ;
* une 1e S fadasse en banlieue paisible, dont j'essaie désespérément d'accroître le vocabulaire.

J'aime tellement faire ça, que me faire payer moitié moins par-rapport à des élèves trouvés sans intermédiaire, ça ne me dérange (presque !) pas. On verra bien si j'arrive à combiner ça longtemps avec mon (double ?) master. Au pire, si je dois réduire le nombre d'heures, je chercherai des cours mieux payés moi-même. En revanche, je n'envisage même pas de faire autre chose à la place.
A priori, je ne suis pas sur la rampe de lancement du professorat. Il faudrait pour cela passer des concours qui ne se superposent pas facilement aux études que j'ai envie de faire. Si l'occasion se présente, peut-être que je tenterai ma chance, avec toujours en tête l'idée qu'aucun métier au monde ne me divertira seul pendant quarante ans. Il me faudrait plusieurs vies pour toucher à tout ce qui m'intéresse.

Toujours est-il que, pour l'instant, expliquer à une danseuse le commentaire linéaire d'un texte de Rabelais, faire réciter ses déclinaisons à un futur normalien, ou voire apparaître le sourire de l'illumination mathématique, c'est mon moment préféré de la semaine.

* En souvenir de la 4e Rouge et du dernier rang.




jeudi 27 septembre 2007

Caramelle

Il devrait y avoir plus de filles dans le monde. Ou alors, plus de films devraient parler de filles. Ou les filles devraient toutes davantage ressembler à des filles. Ou faire quelque chose pour tout repeindre dans des couleurs de fille, du rose si vous n'aviez pas compris.
Je vois déjà les sourires se dessiner sur vos visages. Ce n'est pas ma faute, si mon monde est féminin.

Dans ma famille, j'ai principalement des cousines, et je m'entends très bien avec toutes. Du côté de mon père, j'ai cinq tantes et deux oncles ; du côté de ma mère, davantage d'oncles, mais je ne vois que la tante. Ma grand-mère paternelle a élevé seule ses enfants, ce qui en a fait une femme forte dont la figure plane encore sur la famille. Ma grand-mère maternelle, bien que vivant à 300 km, est présente à la maison tous les jours, par la seule existence de ma mère qui n'a jamais coupé le cordon.
Ce n'est pas une famille de femmes, comme peuvent l'être certaines familles (la généalogie colinienne), mais elles y tiennent une place plus décisive que celle des hommes.

Toute ma scolarité fut féminine. En primaire, je ne parlais aux garçons que pour leur dire d'apprendre à lire. Au collège, les garçons ont été éliminés par le collège non-mixte. Je devais bien en fréquenter quelques-uns à l'athlétisme, mais, sans surprise, je préférais la soeur s'il y en avait une.
En toute franchise, vivre dans un bocal féminin à cet âge-là, c'était une moitié de désastre : entre les jalouses, les purement méchantes, les pouf-en-devenir, l'ambiance était sportive. Ca m'a tout de même aidée à me blinder contre toutes les bassesses possibles entre filles. Et puis surtout, j'étais bien contente d'être à l'abri des garçons : maladivement timide comme je l'étais, maladroite comme j'agissais, ce qui me terrorisait par-dessus tout était le contact masculin.
Je me souviens de la rentrée de seconde comme de celle qui m'a demandé la plus grosse préparation psychologique. J'ai davantagé été angoissée à l'idée d'avoir des garçons dans ma classe, qu'à l'idée de foutre en l'air tous mes week-ends pour la prépa. C'est pour dire. Pourtant, ils étaient peu nombreux, peut-être sept ou huit sur trente élèves.
Mais heureusement pour l'héroïne de cette article, elle est passée en littéraire ! Là où on ne trouve que deux specimen XY par classe, à gérer au quotidien jusqu'au bac. On a eu chaud ! Après le bac, le topo est presque identique, car je n'ai jamais eu une classe composée de plus d'un tiers de garçons.

Et ce n'est pas plus mal, car mon univers est féminin. J'aime les artistes femmes, j'aime les oeuvres qui parlent de femmes, j'aime avoir des amiEs plutôt que des amis. Je trouve quelque chose de terriblement.. séducteur à la moitié de l'humanité laissée hors de l'Histoire.
Mon univers est tellement féminin que même mes études concernent les femmes. Pour mon master d'histoire, je veux travailler sur les prises de voile pendant la période romantique, c'est-à-dire la décision d'entrer dans un couvent et la cérémonie qui va avec. Si je suis prise également à l'Ehe*s, je vais travailler sur Ni putes ni soumises, des femmes d'un autre syle, dira-t-on.
Ce n'est pas que j'élimine les hommes, mais je les ai toujours cantonnés à la sphère amoureuse. Les exceptions en sont rares et récentes. Dans l'état actuel des représentations que l'on se fait du masculin et du féminin, ce qui est associé aux hommes ne m'intéresse pas le moins du monde. Face à la promotion de la force en haut de l'échelle sociale, mon coeur balance pour les chemins détournés et plus subtils, la souplesse et l'humanité, qui ne devraient jamais rester du côté féminin.
C'est tout mon engagement, politique et quotidien.

Et tout ça, parce qu'hier j'ai vu "Caramel", un film de femmes. Un film émouvant, séduisant, intelligent. Un film de femmes.
XX est une combinaison qui m'inspire.




lundi 24 septembre 2007

La tête ferme

Les rêves sont nécessaires au psychisme, c'est bien ce qu'on dit ? Comme dirait ma prof de philo de terminale : "oui mais on dit tellement de conneries".
Je me passerais volontiers de mes rêves.

Aux escaliers qui se multiplient, aux pièces en sous-sol qui en disent un peu trop long, aux trous dans la tête, aux j'en passe et des meilleurs : vous n'êtes pas ce que j'ai décidé, alors il va falloir la mettre en sourdine ("pouet pouet camembert" comme on disait en CM1).

J'ai dit.

[ Bande Son ]




vendredi 14 septembre 2007

The Teenage Hallows

Les vacances ont été tourmentées, mais j'aime encore répondre "ça a été" quand on me demande si elles étaient bonnes. En fait, je ne sais pas si "tourmentées" correspond à ce que j'ai en tête, parce que ce mot appartient au registre dramatique, loin de la réalité.

Peut-être que "contaminées" conviendrait davantage. Registre médical. Maladie, diagnostic, remède, guérison, doucement. Oui, ces vacances ont été contaminées. Elles ont été contaminées parce que je n'ai su faire barrage de mon corps entre l'angoisse, venue de l'année scolaire, et le repos qui était à présent mien. Je me suis ouverte aux quatre vents, me laissant submerger par des angoisses que je croyais loin de moi.
Au microscope, on aurait pu les observer les mignonnes. Moi je n'y ai vu que du feu, trop occupée à remercier quotidiennement tous les dieux imaginables de ne plus être en khâgne. Mais il fallait bien que ce corps éclate, j'ai dû exorciser mes peurs.

Ca tombe même bien, parce que la scène a ressemblé à L'Exorcisme, le Père Damien Karras en moins. En plein milieu de l'anniversaire de Matthieu, fin juillet, je me suis écroulée, vaincue par l'alcool et deux chansons qui m'ont ramenée à de mauvais souvenirs. Je garde un souvenir aigü de la scène, trop pour moi en tout cas. Les spasmes, le délire, les propos incohérents mais trop troublants pour être oubliés. J'aurais bien voulu mettre tout ce que j'ai dit sur le compte de l'alcool, mais celui-ci n'était pas pour grand-chose dans l'histoire. Les peurs me font comme l'acide sur le marbre.
Je me souviens avoir crié que je voulais ma mère. A la place, j'ai eu mes amis, et ça m'a aidée à me calmer. Ca, et la suite des vacances aussi.

This is the comfort of friends, that though they may be said to die, yet their friendship and society are, in the best sense, ever present, because immortal - There is a cure in the house

La suite, c'est le mois d'août et ses résolutions prises d'elles-mêmes. Je n'ai pas voulu me faire violence, je n'avais pas la force d'aller contre moi. C'est peut-être une mécanique d'auto-préservation qui s'est mise en route toute seule, tout simplement. Quand l'urgence a été de garder la tête hors de l'eau, sans le vouloir, j'ai écrit "Comment se reposer la tête et le reste Pour les Nuls", au fil des semaines d'août.
Il fallait faire le ménage : définitivement javelliser ma mémoire des personnes et des choses qu'un jour j'ai désirées, sans jamais y parvenir. Les souvenirs putrides, les amertumes périmées, j'ai oublié et excusé. C'est aussi passé par un vrai rangement, celui de ma chambre, où je n'avais pas déplacé un mouton de poussière depuis le début de l'hypokhâgne. En triant l'intégralité de mes affaires, 3 ans de prépa et 11 du reste, soigneusement conservées année après année, j'ai revu des photos, des mots, des fantômes. La température de mon corps n'a pas augmenté à leur vue, alors que j'ai si longtemps ragé contre Aurélia et Charlotte. Ardeurs tiédies, victoires.
Je me suis aperçue que je me suis enfin réconciliée avec les vagues du début de mon adolescence. Même Jennifer ou Antoine ont succombé à ce doux parfum de victoire sur les anciennes frustrations. Même la question Robinson.

Passer en pilotage automatique n'a pas servi qu'à me purger des souvenirs inutiles. Pendant deux semaines trop longues, j'ai dû me lever tous les matins pour aller travailler. La routine métro-boulot-ménage a fait partie du remède en vue de la guérison. En prise directe avec le réel, avec le monde, allô allô ici la terre, je n'ai pas fui. Trop souvent, j'ai trop facilement échappé au réel, aidée par 20 ans d'expérience du type "fille unique cherche occupation".
Et c'est peut-être ça, ajouté à mes heures de repassage et de ménage comme je n'en avais jamais faites, qui m'a définitivement fait passer de l'autre côté du miroir. Je ne dis pas que mes jours sont devenus suuuuuper merveilleux, beaux, magnifiques, géniaux. Je n'aurais pas supporté le choc de passer d'un extrême à l'autre.

J'ai juste mis une pincée de réalisme. Celle qui a signé un acte de décès. L'adolescence.
Si elle revient, ce sera sous une autre forme, mais alors elle ne méritera plus de porter son nom. Ca fait des semaines que je n'ai pas été l'adolescente, en tout cas pas celle que j'ai été sans faille chaque jour depuis le lycée. La haine brûlante, les amours dans tous les sens, l'envie de hurler au temps qui passe. Quelque part, il y en aura toujours des restes, mais bien que des restes.
Voilà comment se protéger de soi-même. J'ai découvert qu'il fallait m'amputer de l'adolescence, même si je n'ai pas effectué ce travail consciemment. J'étais le mal et son remède. La crise était violente, mais je n'en attendais pas moins : je savais que la fin de l'adolescence se ferait dans la douleur. Après tout, quoi de plus normal pour moi qui ai longtemps cultivé mes 16 ans. C'est simplement arrivé plus vite que je ne le pensais.

Fiam. Encore et toujours.




samedi 1 septembre 2007

St-Denis 2003

..quand la vie était belle





..et que la France gagnait.

Merci à Diniz et Romain Mesnil pour leurs médailles d'aujourd'hui. Merci à eux de me rappeler les bonnes surprises que me réserve parfois l'athlétisme.