En 2007, juste avant les élections présidentielles, je me souviens de conversations portant sur un futur loin, si loin, et néanmoins inquiètes, très inquiètes. On se disait que si NS était élu en 2007, avec le quinquennat, on était sûr de se le retaper une seconde fois en 2012. Sûr et certain, on était. On avait établi cette fatalité, et on essayait de s'y habituer. Mais sans y parvenir, évidemment.

Alors dimanche en fin d'après-midi, quand j'ai ouvert la page Tw pour glâner des estimations, qui convergeaient toutes dans le bon sens, j'ai commencé à exulter. Les larmes me sont montées aux yeux, mais je les ai retenues, pas encore, pas encore. Attendre 20h.
Et 20h est arrivé.
Et la murge du siècle a bien eu lieu.
Et les larmes ont coulé au milieu de la foule de la Bastille, pendant le discours de FH.
Et on a trinqué, trinqué, re-trinqué jusqu'à n'en plus pouvoir. J'en ai cassé 2 verres.

Les émotions nous dépassaient. Nous n'en pouvions plus de joie et de soulagement.

Alors qu'est-ce-qui se cache derrière cette émotion, cette envie de trinquer tous les jours à la gloire de la gauche au pouvoir ? Mon père a dit "Ça me fait du bien", et j'ai entendu des variations sur le même thème de la part de plusieurs personnes. "Ça ME fait du bien". Pourquoi à nous personnellement ?
Le MLF s'est échiné à faire passer l'idée que le personnel est politique. Mais à chaque élection, à chaque événement politique important, c'est l'inverse qui me frappe : le politique est personnel, si personnel, si intime. Nos peurs enfouies, nos espoirs à fleur de peau, nos principes chevillés au corps, se rejouent toujours à chaque événement.
Par exemple, la division du peuple par NS n'est pas juste un problème de société. "LaSociété" n'intervient pas dans mes rêves, "LaSociété" n'est pas un concept émotionnel. Mais l'universalisme, l'idée que je suis à la fois moi et toi, et eux, et tous, que je ne suis pas seule, cette idée-là me fait palpiter. Quand arrive un président capable de rassembler, c'est mon univers intérieur fait de désirs et d'angoisses qui vibre. Le politique se loge au plus profond de nos entrailles, en réalité.

Place de la Bastille, à Montreuil, à Barbès, partout où le peuple de gauche a fait la fête, des gens se sont parlé, se sont hurlé des "LE CHANGEMEEEENT C'EST MAIIINTENAAAANT" à la figure. En réalité des gens se disaient "J'ai les mêmes espoirs que toi, tu vois, j'ai la même vie dans le fond, les mêmes envies, les mêmes désirs et les mêmes joies, j'ai eu les mêmes peines que toi, et là ce soir, on vit ça tous ensemble à l'unisson parce que ça me fait plaisir de le partager avec toi." (Oui, les infra-discours peuvent être très développés.)

"Le changement, c'est maintenant". J'ai eu beau voter pour JLM, après avoir hésité à voter pour NA ou EJ, il faut bien avouer que ce slogan fait rêver. Un décalque du "Change is now" d'Obama, certes, mais efficace, donc. Mon langage s'en est trouvé bouleversé : de "la murge, c'est maintenant" à "le bonjour, c'est maintenant", j'ai multiplié les variations, comme pour mieux signifier la coupure avec 2011.

Chacun donnera sa propre signification à ce slogan, mais pour moi, après la traversée du désert de 2007 à 2012, le changement, c'est bien maintenant.