J'ai une histoire à raconter.

C'était au début de l'hypokhâgne, à l'apogée de l'adolescence (parce que oui, l'adolescence est une ère). Une amie de classe, un jour, me raconta les ragots des camarades. C'était une des premières semaines de cours, et je n'étais encore jamais sortie avec une fille. Je venais d'apprendre, en revanche, qu'une des filles de la classe était lesbienne. Ah, oh, mais t'es sûre ? Ah oui si tu l'as vue en train de rouler une pelle à sa meuf en sortant de cours et lui mettre la main au cul, ah ben oui, oui, en effet.
J'appris comme ça que Bianca aimait les filles (ce qui lui vaudrait plus tard le surnom secret de "Bibi la lesbi").

Elsa, bien plus tard, un jour où nous parlions de Bianca (et alors que nous sortions ensemble), me demanda si je n'avais pas été attirée par elle en partie parce que je savais que c'était possible avec elle. Or, des lesbiennes, j'en avais connues avant Bianca et qui ne m'avaient jamais rien provoqué.
Non, la vérité est plus compliquée. Savoir qu'elle sortait avec une fille la mettait en effet dans une case à part dans ma tête, mais pas nécessairement la case "attirance". Ce fut son physique, ce qu'elle dégageait, qui la plaça dans la case "attirance".

Mais en hypokhâgne j'avais mes propres histoires, dont j'avais du mal à sortir, qui m'éloignaient d'elle (en plus du fait que la savoir en couple me la rendait inaccessible). Mon année à Fénelon confirma l'éloignement. Bianca appartenait au monde de Jaurès et, les malentendus aidant, je croyais qu'elle ne me supportait plus.
Quand je revins à Jaurès et que je la retrouvai en cours, l'idée de sortir avec elle refit son petit chemin, très très doucement. C'était agréable d'être à ses côtés, et j'aimais la place de confidente. Mais à devenir davantage son amie, et donc à entendre ses histoires de couple, je réalisais à quel point elle était réellement inaccessible.

Au milieu de l'année scolaire, en plein déclin de l'adolescence, il y eut.

A partir de là, ce n'est pas inaccessible mais Intouchable qu'elle devint. Et pourtant, après deux ans de psy (c'est peu, j'en conviens, je me trompe donc peut-être), il me semble que c'est précisément ça qui me la rendit désirable. C'est horrible à dire, et j'aimerais trouver d'autres interprétations.
Toujours est-il que je voulais être avec l'Intouchable, et que cela dura plusieurs mois pendant lesquels la décence (et les conseils de mes amies) me fit me taire jusqu'aux vacances d'été. Je crus que l'éloignement des vacances me ferait tout oublier, mais évidemment ce ne fut pas le cas : la rentrée universitaire, assister aux mêmes cours, se voir souvent en dehors des cours, tout cela contribua au retour de flammes. La méga-trouille incluse.

Pourtant, dans un MacDo, je finis par.
L'histoire dura un an et demi.

La suite, après une rupture brouillon et violente, est une succession de périodes d'entente amicale, de silence réciproque, et de froid glacial. Aujourd'hui, l'ère glaciaire atteint son paroxysme. Il ne tient qu'à moi de bousculer cette situation, non en cherchant la réconciliation, mais l'indifférence. Je n'aurai surmonté cette rupture que le jour où je serai parvenue à me détacher réellement d'elle, et de l'idée d'elle surtout.
Je ne connais pas le chemin, qui est différent après chaque relation. Après Philippe et Sikou, j'ai su trouver une porte de sortie. Je sais qu'il faut la trouver à nouveau, mais le temps commence à presser, ce qui n'aide pas la sérénité.

La méga-trouille est toujours là, de toute façon, et elle n'est pas prête de dégager : et si je n'étais pas capable de faire mieux qu'avec Bianca ? Et si je recommençais mes crises de rage et mes accès de colère ? A quoi bon faire fuire quelqu'un d'autre pour les mêmes raisons ?
J'ai la chance d'être indulgente envers moi-même, mais justement parce que j'ai la malchance d'être parfaitement lucide sur mes défauts.
Je suis colérique, ergo non-coupLable. Non coupable non plus d'être ce que je suis.

Il y a longtemps que je suis ainsi. Un moment, j'ai cru devenir moins violente, mais la rupture avec Bianca m'a prouvé que non. J'ai acté l'impossibilité de cette relation il y a longtemps, mais rien n'y fait : il ne s'est pas passé un jour depuis mars 2009 sans que.

Il y a longtemps que, jamais je ne.