dimanche 29 janvier 2012

Du sens que l'on tricote en revenant en arrière et en reprenant les rangs isolés pour les relier aux nouveaux rangs

Dans ma vie, j'ai aimé beaucoup de choses, et toutes avec passion. Dans ma vie, j'aime encore plus de choses, et toujours avec passion. Tout s'accumule, car j'ai la particularité de ne rien "désaimer". Qu'il s'agisse du mauvais rap de mes 13 ans, des Cochons d'Inde, ou de l'écologie, tout a fait boule de neige pour former mon moi actuel.

Depuis ma naissance, je vois mon père prendre plaisir à faire à manger et s'éclater sur les saveurs, les mariages originaux, les nouveautés.
En primaire, j'ai eu une période où je dessinais des forêts qui brûlent en écrivant au dos "protégeons la nature et conservons la".
Au collège, mais dès la primaire même, j'étais sensible aux discours politiques de gauche, et j'accompagnais ma mère à ses réunions LO.
Au lycée, un jour, j'ai vu un reportage sur les femmes battues et je me suis dit "dans ma vie, un jour, j'aiderai les femmes battues".
Au lycée encore, j'ai écouté des heures et des heures d'Ogres de Barback, de Hurlements d'Léo, de Rue Kétanou et j'aimais passer au squat du 59 rue de Rivoli.
En prépa, un prof m'a dit "si les études de genre vous intéressent, vous devriez jeter un oeil à Judith Butler".
En prépa, le programme d'histoire portait sur les Etats-Unis et m'a tellement fait rêver que j'y suis partie un mois, organisant tout du début à la fin, de mes culottes au transport, en totale autonomie, sans que personne ne me dicte quoique ce soit.
En master de genres, je me suis dit que, quitte à glander, autant glander à la Cimade et me battre contre les lois xénophobes.
En prépa, je ne quittais pas mon appareil photo et ça m'a permis de documenter l'année où j'ai pris les dimensions de l'Univers, rencontrant au passage les deux personnes grâce à qui je suis aujourd'hui...

...en train de faire le lien entre tout ce que je viens de dire plus haut.




vendredi 13 janvier 2012

"Enough, enough now."

Je me fais un post-it mental pour aujourd'hui, au 12 janvier 2012. A environ 13h30, juste avant de sortir, j'ai cherché un livre à prendre pour le trajet. J'ai arrêté mon choix sur un livre déjà lu il y a longtemps, sans en avoir apprécié pleinement la poésie : "Contes de fées à l'usage des moyennes personnes" de Vian. Espérant me replonger dans la chaleur des Vian, je suis tombée sur un papier gribouillé de phrases pour ne pas pleurer, et laissé là pour une raison oubliée. Cette note m'a rappelé que Bianca m'avait dit : "Je ne suis pas transportée d'une passion inébranlable."

Je me souviens.

Aujourd'hui, à 13h30, j'ai arrêté de.




mercredi 11 janvier 2012

L'amour parfait

Je suis parfaitement incapable de vivre avec quelqu'un, sentimentalement je veux dire. La simple idée m'en fait frissonner d'angoisse : quoi, moi, l'ourse parfaite, le chat indépendant, la tigresse inapprochable, je m'adapterais à autrui ? Ja-mais.
Ces trois ans seule s'étirent ainsi dangereusement et en disent long sur le fait que je ne suis pas prête à lâcher du lest, à laisser ma liberté chérie entre les mains de quelqu'un d'autre.

Depuis plus de deux ans et demi, je vis seule et m'y suis habituée. Plus qu'habituée, j'y ai pris goût. Je mets la musique que je veux quand je veux, je prends ma douche quand je veux, et j'en passe. Faire la liste prendrait des heures. Plus que tous ces détails, j'ai fait des plans de vie seule, et je suis sûre de ne pas le supporter si vivre en couple signifiait renoncer à ou modifier mes projets. Mes capacités d'adaptation à autrui s'élèvent à environ zéro. La souplesse et les contorsions n'ont jamais été ma spécialité en EPS.

Mais... "y'a un blème". Quelque chose remue en moi à l'idée d'être en couple. Malgré mes velléités indépendantistes. Et ce quelque chose remue de plus en plus fort, il refuse de se taire, l'enflure. Alors que je connais la vérité sans fard : j'ai peur du couple. Sana a complètement raison de me comparer à Chandler. J'en suis à son stade d'angoisse à l'idée d'engagement. Engag... hein ? (Mais il souffre de sa peur)
Mais... je veux. Je veux vouloir. Je veux dépasser ma peur qui pense pour moi que "ce n'est pas le moment de chercher quelqu'un". Ce n'est jamais le moment, si j'écoute LaTrouille. LaTrouille dicte ses lois et a en sa faveur un certain nombre de jurisprudences. LaTrouille m'écrase.

Capricieuse, égoïste, colérique, égocentrique et dramatique, au final ce sont les talents que je déploie en couple. LaTrouille me demande donc également de préserver de moi les personnes intactes de ce monde.

LaTrouille dit n'importe quoi. Il faudrait simplement quelqu'un de très malin pour contourner LaTrouille et faire de moi une partenaire de vie. Ce quelqu'un devrait être intelligent et patient, apprécier mes coups de tête comme des coups de génie, et retourner mes coups de gueule en coups de coeur. Ce quelqu'un devrait accepter mon indépendance sans broncher et passer à ma terrible dépendance amoureuse sur commande. Ce quelqu'un n'aurait qu'à être très drôle pour désamorcer les bombes que je lance quand je pique mes crises de colère.
Rien d'exceptionnel...

LaTrouille dit n'importe quoi, mais je l'écoute quand-même. Elle a ses façons de s'imposer, en puisant loin dans les jurisprudences. Tout ce qu'elle me laisse, c'est l'espoir de rencontrer quelqu'un correspondant aux critères ci-dessus.
L'espoir fait vivre.




Incendies

J'aime les tragédies, plus que tout autre genre littéraire. Je ne les aime pas parce qu'elles finissent mal, mais par ce qu'elles nous disent de la famille. C'est le seul genre qui explore, creuse, fouille, et défonce les portes fermées des histoires familiales. Les origines, ça m'obsède.

A l'autre extrémité de l'arbre généalogique, il y a "LesEnfants". Dans Kaamelott, Guenièvre dit "LesEnfants" pour parler de l'obsession d'Arthur. Elle utilise cette expression à plusieurs reprises, à tel point que ça finit par ressembler à un concept. Ca me faisait bizarre d'entendre ces deux mots, ça me susurrait quelque chose à l'oreille.

Plus j'avance dans l'histoire familiale, plus "LesEnfants" se fait présent.

Il y a quelque chose comme deux mois, j'ai appris une histoire : pendant sa grossesse, ma mère est retournée en Normandie chez ses parents, car elle avait peur que mon père ne soit pas à la hauteur. C'est parce que j'ai eu son ancienne carte d'identité entre les mains que j'ai vu une adresse bizarre, où elle n'était pas censée avoir vécu, à un moment bizarre. J'ai dit "rue des petits lutins ? hin ?". Un silence m'a répondu. Mon père a fait son petit sourire typique des moments-où-on-l'a-vexé-sur-un-sujet-important-et-qu'il-a-finalement-eu-raison. C'est lui qui m'a répondu "Ta mère t'a jamais dit qu'elle était partie chez ses parents, elle avait peur que je sois pas à la hauteur..." Ma mère a marmonné des trucs incompréhensibles et gênés.
Pendant plusieurs semaines, j'ai pris cette histoire du côté "J'ai failli naître en Normandie". Maintenant, je la prends du côté "Mon père m'a voulue encore plus que je ne l'imaginais". Et je ne compte pas toutes les manières d'interpréter cette histoire que je ne peux pas comprendre.

Les enfants, en vrai, ce n'est pas juste un concept pour moi. Je ne crois pas qu'on en ait "par hasard", malgré tout ce que peuvent dire les parents du monde entier. Rien d'aussi important n'arrive "par hasard". La longue période où je clamais ne pas en vouloir correspond à une période où je refusais de comprendre mes parents, où j'avais l'impression de subir l'histoire familiale.
Puis plusieurs choses indépendantes, et pas du hasard, se sont mélangées dans ma tête. Je suis sortie avec quelqu'un qui m'a donné envie d'avoir des enfants, j'ai donné des cours particuliers à des tonnes d'élèves en adorant ça, et j'ai commencé à creuser pour trouver les racines. La vie au quotidien est une succession de mini-bordels, mais je crois profondément qu'on orchestre ce mini-bordel, en réalité. Et moi j'ai orchestré l'envie de sauver l'arbre généalogique.

A l'image d'Incendies, j'arrive après et pendant des temps troublés. Chacun de mes parents traîne une histoire lourde, cumulée avec l'histoire de leurs propres parents. Une histoire faite d'incompréhensions, d'aveuglements, de rancoeurs et de deuils inachevés. Des cercles de frustration et de haine alourdissent les beaux moments.
Mais ce serait oublier que les Incendies, ce sont aussi les passions brûlantes qui m'ont donné vie et m'ont façonnée. Avec le désir de mettre fin à ces cercles vicieux. Le roman familial doit être réécrit d'un nouveau point de vue, du mien. Moi je veux et je peux comprendre mon grand-père sans avoir envie de le tuer, moi je veux et je peux comprendre ma grand-mère sans la mettre sur un piédestal.

C'est radical, mais : je me contre-fiche que mes enfants naissent pendant la IIIe Guerre Mondiale ou bien sous la dictature de Joseph Mussolitler ou même en pleine crise climatique. Rien à foutre.
Ils seront là et ils naîtront dans une histoire familiale pacifiée. Libres, entièrement libres, malgré ce que disent les tragédiens, de peut-être mettre le feu à leur tour.