Incendies
Par Kalleidoscope, mercredi 11 janvier 2012 à 00:22 :: Blog
J'aime les tragédies, plus que tout autre genre littéraire. Je ne les aime pas parce qu'elles finissent mal, mais par ce qu'elles nous disent de la famille. C'est le seul genre qui explore, creuse, fouille, et défonce les portes fermées des histoires familiales. Les origines, ça m'obsède.
A l'autre extrémité de l'arbre généalogique, il y a "LesEnfants". Dans Kaamelott, Guenièvre dit "LesEnfants" pour parler de l'obsession d'Arthur. Elle utilise cette expression à plusieurs reprises, à tel point que ça finit par ressembler à un concept. Ca me faisait bizarre d'entendre ces deux mots, ça me susurrait quelque chose à l'oreille.
Plus j'avance dans l'histoire familiale, plus "LesEnfants" se fait présent.
Il y a quelque chose comme deux mois, j'ai appris une histoire : pendant sa grossesse, ma mère est retournée en Normandie chez ses parents, car elle avait peur que mon père ne soit pas à la hauteur. C'est parce que j'ai eu son ancienne carte d'identité entre les mains que j'ai vu une adresse bizarre, où elle n'était pas censée avoir vécu, à un moment bizarre. J'ai dit "rue des petits lutins ? hin ?". Un silence m'a répondu. Mon père a fait son petit sourire typique des moments-où-on-l'a-vexé-sur-un-sujet-important-et-qu'il-a-finalement-eu-raison. C'est lui qui m'a répondu "Ta mère t'a jamais dit qu'elle était partie chez ses parents, elle avait peur que je sois pas à la hauteur..." Ma mère a marmonné des trucs incompréhensibles et gênés.
Pendant plusieurs semaines, j'ai pris cette histoire du côté "J'ai failli naître en Normandie". Maintenant, je la prends du côté "Mon père m'a voulue encore plus que je ne l'imaginais". Et je ne compte pas toutes les manières d'interpréter cette histoire que je ne peux pas comprendre.
Les enfants, en vrai, ce n'est pas juste un concept pour moi. Je ne crois pas qu'on en ait "par hasard", malgré tout ce que peuvent dire les parents du monde entier. Rien d'aussi important n'arrive "par hasard". La longue période où je clamais ne pas en vouloir correspond à une période où je refusais de comprendre mes parents, où j'avais l'impression de subir l'histoire familiale.
Puis plusieurs choses indépendantes, et pas du hasard, se sont mélangées dans ma tête. Je suis sortie avec quelqu'un qui m'a donné envie d'avoir des enfants, j'ai donné des cours particuliers à des tonnes d'élèves en adorant ça, et j'ai commencé à creuser pour trouver les racines. La vie au quotidien est une succession de mini-bordels, mais je crois profondément qu'on orchestre ce mini-bordel, en réalité. Et moi j'ai orchestré l'envie de sauver l'arbre généalogique.
A l'image d'Incendies, j'arrive après et pendant des temps troublés. Chacun de mes parents traîne une histoire lourde, cumulée avec l'histoire de leurs propres parents. Une histoire faite d'incompréhensions, d'aveuglements, de rancoeurs et de deuils inachevés. Des cercles de frustration et de haine alourdissent les beaux moments.
Mais ce serait oublier que les Incendies, ce sont aussi les passions brûlantes qui m'ont donné vie et m'ont façonnée. Avec le désir de mettre fin à ces cercles vicieux. Le roman familial doit être réécrit d'un nouveau point de vue, du mien. Moi je veux et je peux comprendre mon grand-père sans avoir envie de le tuer, moi je veux et je peux comprendre ma grand-mère sans la mettre sur un piédestal.
C'est radical, mais : je me contre-fiche que mes enfants naissent pendant la IIIe Guerre Mondiale ou bien sous la dictature de Joseph Mussolitler ou même en pleine crise climatique. Rien à foutre.
Ils seront là et ils naîtront dans une histoire familiale pacifiée. Libres, entièrement libres, malgré ce que disent les tragédiens, de peut-être mettre le feu à leur tour.
A l'autre extrémité de l'arbre généalogique, il y a "LesEnfants". Dans Kaamelott, Guenièvre dit "LesEnfants" pour parler de l'obsession d'Arthur. Elle utilise cette expression à plusieurs reprises, à tel point que ça finit par ressembler à un concept. Ca me faisait bizarre d'entendre ces deux mots, ça me susurrait quelque chose à l'oreille.
Plus j'avance dans l'histoire familiale, plus "LesEnfants" se fait présent.
Il y a quelque chose comme deux mois, j'ai appris une histoire : pendant sa grossesse, ma mère est retournée en Normandie chez ses parents, car elle avait peur que mon père ne soit pas à la hauteur. C'est parce que j'ai eu son ancienne carte d'identité entre les mains que j'ai vu une adresse bizarre, où elle n'était pas censée avoir vécu, à un moment bizarre. J'ai dit "rue des petits lutins ? hin ?". Un silence m'a répondu. Mon père a fait son petit sourire typique des moments-où-on-l'a-vexé-sur-un-sujet-important-et-qu'il-a-finalement-eu-raison. C'est lui qui m'a répondu "Ta mère t'a jamais dit qu'elle était partie chez ses parents, elle avait peur que je sois pas à la hauteur..." Ma mère a marmonné des trucs incompréhensibles et gênés.
Pendant plusieurs semaines, j'ai pris cette histoire du côté "J'ai failli naître en Normandie". Maintenant, je la prends du côté "Mon père m'a voulue encore plus que je ne l'imaginais". Et je ne compte pas toutes les manières d'interpréter cette histoire que je ne peux pas comprendre.
Les enfants, en vrai, ce n'est pas juste un concept pour moi. Je ne crois pas qu'on en ait "par hasard", malgré tout ce que peuvent dire les parents du monde entier. Rien d'aussi important n'arrive "par hasard". La longue période où je clamais ne pas en vouloir correspond à une période où je refusais de comprendre mes parents, où j'avais l'impression de subir l'histoire familiale.
Puis plusieurs choses indépendantes, et pas du hasard, se sont mélangées dans ma tête. Je suis sortie avec quelqu'un qui m'a donné envie d'avoir des enfants, j'ai donné des cours particuliers à des tonnes d'élèves en adorant ça, et j'ai commencé à creuser pour trouver les racines. La vie au quotidien est une succession de mini-bordels, mais je crois profondément qu'on orchestre ce mini-bordel, en réalité. Et moi j'ai orchestré l'envie de sauver l'arbre généalogique.
A l'image d'Incendies, j'arrive après et pendant des temps troublés. Chacun de mes parents traîne une histoire lourde, cumulée avec l'histoire de leurs propres parents. Une histoire faite d'incompréhensions, d'aveuglements, de rancoeurs et de deuils inachevés. Des cercles de frustration et de haine alourdissent les beaux moments.
Mais ce serait oublier que les Incendies, ce sont aussi les passions brûlantes qui m'ont donné vie et m'ont façonnée. Avec le désir de mettre fin à ces cercles vicieux. Le roman familial doit être réécrit d'un nouveau point de vue, du mien. Moi je veux et je peux comprendre mon grand-père sans avoir envie de le tuer, moi je veux et je peux comprendre ma grand-mère sans la mettre sur un piédestal.
C'est radical, mais : je me contre-fiche que mes enfants naissent pendant la IIIe Guerre Mondiale ou bien sous la dictature de Joseph Mussolitler ou même en pleine crise climatique. Rien à foutre.
Ils seront là et ils naîtront dans une histoire familiale pacifiée. Libres, entièrement libres, malgré ce que disent les tragédiens, de peut-être mettre le feu à leur tour.
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