mardi 31 août 2010

Délices de la mémoire

Ma mémoire m'é-mere-veille. J'ai appris aujourd'hui qu'une Coréenne tombée dans le coma avait oublié sa langue natale au réveil. Ne lui restaient que les bribes d'allemand étudié pendant 1 an seulement. C'est grâce à ces mots qu'elle a pu communiquer au départ puis réapprendre sa langue. C'est un de mes élèves préférés qui m'a raconté cette histoire, le même qui a ajouté juste après "j'ai aucun souvenir d'enfance, à part mon anniversaire des 6 ans, et celui des 8 ans".
Ma mémoire est certes moins spectaculaire, mais quand-même. Lorsque je suis retournée sur la tombe de ma grand-mère il y a un peu plus d'un an, je me suis trouvée muette de stupéfaction. Je n'étais allée que deux fois auparavant sur sa tombe : juste après l'enterrement en 1999, et une fois en 2007. A chaque fois, quelqu'un m'avait guidée dans la bonne allée. L'an dernier, j'ai décidé d'y retourner seule : c'était un peu mon Godric's Hollow à moi. Je suis passée par une entrée complètement différente de celle utilisée en 2007, mais mes pas m'ont menée sans aucune hésitation directement dans la bonne allée, et mes yeux se sont posés directement sur la bonne tombe. Je n'y croyais pas moi-même. Moi qui me perds souvent, moi qui peux me tromper sur des chemins pris vingt fois, moi qui confonds ma droite de ma gauche, j'avais stocké dans un coin reculé de ma mémoire une carte du cimetière, après y être allée seulement deux fois sans même faire attention aux allées. L'irréalisme de ce moment me laissera longtemps sans voix.

Plus récemment, la crise de la Grip-a fut bien la seule situation qui pouvait me rendre préoccupée pour ma santé. Petite, je crois que j'ai eu des bronchites à répétition, ou quelque chose du style. Ma mère m'avait emmenée voir plusieurs généralistes sans succès, et finalement c'était un spécialiste à Troussaut, tout jeune à l'époque, qui avait fait le bon diagnostic : foyer pulmonaire (ou quelque chose du style). J'ai eu droit à ce médecin (upgradé professeur rapidement) une fois par an, pendant 3/4 ans entre 6 et 9 ans. Quand cette histoire de grippe et de terrain favorable pour les personnes fragiles des poumons est sortie, j'ai repensé à ce spécialiste. Un soir, en zappant, je tombe sur une édition spéciale du Magazine de la Santé, avec plusieurs intervenants autour de l'Agrippa : il m'a fallu environ 1 seconde pour identifier le médecin de mon enfance pas vu depuis 14 ans. Encore moins pour me souvenir de son nom (qui, à la vérité, surgit parfois dans la conversation avec ma mère).

Dans 15 ans pourrai-je reconnaître la voix de 6kou de la même façon ? Est-ce-que je serais capable, si j'allais à Avallon, de reconnaître la maison d'Aude et de mes 16 ans ? Et la maison de Camilla à Pézenas, est-ce-que sa vue me semblerait aussi naturelle que la vue du médecin, tiens on s'est quittés hier ? Le chemin de la maison des grands-parents de Philippe jusqu'au centre-ville du Mans, peut-être aussi ?
Ou non, mieux : quand j'aurai du vent dans mon crâne, est-ce-que je saurai retrouver le chemin jusqu'aux Londoniens chez qui Bien-cas et moi furent accueillies ? De Londres à ma mémoire, les traces de nos pas ont du mal à se perdre et s'effacer.




lundi 30 août 2010

Les grandes vacances

Les grandes vacances, quand j'étais petite, c'était le sud de la France et la Manche normande. Je me souviens des trajets en voiture interminables, et pourtant je n'ai jamais été une enfant "c'est-quand-qu'on-arrive". Je me contentais d'avoir envie de mourir sur mon siège arrière, parfois même la nausée après des heures de route. Quand on partait dans le sud, je dormais même à l'arrière puisque l'on voyageait de nuit. Je me souviens avoir écouté "Mad about you" en observant les étoiles, et "Tchiki Boum" quelque part sur l'A7. Je me souviens de ces vacances en Normandie où mon père m'avait collé un tatouage hyper-résistant du Lion Jamaïcain, trouvé dans la compil "History of Jamaïcan Music". Ce lion ne m'avait pas quittée de l'été, et, plus tard, dans le sud, il m'avait laissé une marque de bronzage dont j'étais hyper fière. Les grandes vacances m'ont fait une série de petits souvenirs comme ça. Mes souvenirs d'été les plus persistants, et qui me manquent le plus, sont ceux des trajets nocturnes Montreuil-Méditerrannée. Les heures au bord de la piscine aussi me manquent beaucoup. Aucun de mes voyages de ces dernières années ne m'a apporté le réconfort et le délassement des heures de bronzage à ne rien faire, car j'avais justement bien trop à faire et visiter.
Les boulots d'été n'ont rien arrangé et je croyais dur comme fer que ça allait être la même cet été. Mais il s'est passé un miracle, donc par définition une chose évidemment incroyable. J'ai eu de grandes vacances. Malgré le travail. Je n'en reviens pas moi-même en le disant, et je ne comprends même pas lorsque j'y pense : et pourquoi pas un rond carré, pendant qu'on y est ? J'ai eu de grandes vacances, celles dont je rêvais depuis des années. Il suffisait de se mettre en mode "Pause", d'envoyer mourir tout ce qui me rappelait l'année scolaire, et de le faire avec l'énergie du désespoir. Toi, pauvre sans-papiers, tu me rappelleras en septembre. Toi, chère Rachel, je ne te reverrai qu'en septembre. Toi, maman d'élève, oublie-moi jusqu'à septembre. Toi, gouvernement de merde, je t'oublierai jusqu'en septembre. Toi, horloge, suspends ton vol et va crever ta race, laisse-moi donc me coucher à 4h si ça me chante. Toi, réflexion sur l'avenir, va juste crever.
Je voulais du repos. J'ai eu du repos. C'est d'ailleurs bien la première fois depuis des années que je vois la différence entre l'été et septembre qui approche. D'ailleurs, pour la première fois depuis la fin de la prépa, j'en veux encore de mon mois d'août.

"J'en veux encore", ça devient un leitmotiv, tiens.




jeudi 26 août 2010

I used to, I did, I do

I got a letter today
An invitation
And the writing looked like you
Hello how are you and by the way
Please RSVP I do
I thought of writing sad words of how it used to be
But I didn't want to bring you down, no I guess
the bells will ring pretty well there without me
Don't worry 'bout me baby I'll
wear the thorny crown
I will play the clown
If you think that I don't love you,
you're just wrong
And that don't matter now anyway
I couldn't bear to see you
up there with a white dress on
Here's my vow to you I'll stay away

I remember when in a lover's whisper you said
No other man would ever share
your bed
Well we both know that's not been so
And I wish I'd never let you
go now
You found a better man instead
I wish you health and wealth and a
white house on a hill and I hope you raise a family
Little boy and a little girl, a
little more joy in this little old world
Well, that'd be enough for me

Time rolls on And dreams they die
And I've thrown out the pictures I had of
you and I
And if you're ever wondering if love can be true
Well, think of me
and remember darling like I, like I do
Old friendships fade away, love falls apart
And you've not spent a single day outside my heart
But, there's just one more dream that
I have left for you I hope you're smiling
when he turns around and says I do...

(c'est la permanence dans le changement dont je parlais : j'avais oublié jusqu'à l'existence de cette chanson)




mercredi 25 août 2010

Les petites morts

J'ai cette expression en tête depuis des jours. Elle me revient chaque fois que je me retourne sur une silhouette ou que je fronce le regard, tentant de voir qui ressemble tant à cette personne que je connaissais. Les petites morts ne sont pas celles de petites personnes, bien au contraire. Ce sont les morts des personnages secondaires, mais qui ont tant compté et que j'aimais, bien avant de pouvoir recontruire mes souvenirs d'eux. Récemment, c'est la petite mort de Françoise-la-grande qui m'a suivie de Marseille à Fontenay. Ce fut aussi le décès de Boulot, à qui je repense parfois.
Rien à voir avec les grandes morts, comme celle de ma grand-mère. Grande mort, grand-mère, finalement tout ça c'est pareil. Tout le reste n'est que petite mort, car je sais maintenant comment réagir pour ne rien regretter. Finies les excuses pourries pour ne pas aller à l'hôpital, place à présent aux allers-retours Paris-Marseille le jour de Noël, parce qu'il le faut bien. Les petites morts n'engagent pas de petites peines. Comment pourrais-je même mesurer et comparer ce qui n'est pas comparable, à tant de moments différents ? Les petites morts me montrent uniquement que je suis grande, un peu à la manière des dessins en perspective : en vrai, je ne suis pas plus grande, simplement je vois les événements d'un peu plus loin. J'ai mis de la distance en agissant, contrairement à mes anciennes paralysies.
La tristesse en est plus belle, car elle n'est pas parasitée par des interférences de regrets ou je n'sais quoi. Elle est davantage à la hauteur de l'affection et de l'amour que je portais à ces personnes. Même morte, Françoise avait donc encore de quoi m'apprendre.




samedi 14 août 2010

I get secrets at night

J'ai des vies secrètes. Oui, je sais, c'est très classe. Et pourtant vrai. J'ai des vies secrètes la nuit, lorsque je mets le nez dehors et que je décide d'humer l'air du temps. Rentrée de chez Laura vers 23h, je me suis décidée à resortir vers 23h30, pour ne finalement revenir au bercail qu'à 3h30 du matin. Ne rien faire d'autre qu'humer l'air du temps, regarder les lumières de la ville, la musique dans les oreilles, combien de fois j'en ai rêvé quand je vivais chez mes parents. Je mettais le nez à la fenêtre, me demandais à quoi ça doit ressembler de pouvoir sortir lorsque l'envie me prend, même en pleine nuit, et finalement refermais la fenêtre. Et bien maintenant, je sais. And now, I've tasted chocolate and I'm never going back .
Des bus, des bus, et encore des bus. Des étoiles et des lumières partout. C'est un peu trop calme pour une vraie vie secrète, certes. Mais j'aime ces moments entre moi et moi, que je ne partagerais pour rien au monde, un peu comme le sprint improvisé à Val avec ce fan d'Usain Bolt. Ou comme le retour un-peu-secret de ce blog pas-si-secret.
Tout est autorisé la nuit, de toute façon, car la nuit, tout est autre. C'est là le piment de mes secrètes vies nocturnes.




mercredi 11 août 2010

The Living Hallows

C'est à s'émerveiller comme les clichés n'en sont pas. "La permanence dans le changement", "la continuité dans la rupture", tout ça tout ça. Mais la réalité n'adhère peut-être pas tout à fait à ce cadre, à bien y réfléchir. La réalité, c'est que je m'émerveille d'être la même, si merveilleusement la même, si prévisiblement la même, après tout ce temps. Si rupture ou changement il y a eu, cela n'a été que dans le regard que je me porte, sur mes actes, mon caractère, mes choix. Mais moi, moi, moi, oui toujours moi, je suis la même. J'ai les mêmes amis, les mêmes idées, les mêmes faiblesses, les mêmes passions, les mêmes lubies. Mais, lentement, je ne me déteste plus, je ne me mets plus de bâton dans les roues. Oui, la tortue née du lièvre ne se trouve plus si monstrueuse. Rapatriement de ces bouts de moi laissés sur le chemin, rapatriement de ces souvenirs éparpillés aux quatre vents, rapatriement de moi à moi. Puisque JE décide, puisque JE suis, puisque J'écris, puisque JE choisis mes mots, JE sais ce que JE dois faire : finir ce que j'ai commencé. Oui, je mets fin à ce que j'ai commencé, en ne me réinscrivant pas à l'Ehess, en ne me réinscrivant pas en études supérieures, nulle part. Je rapatrie les lambeaux que je croyais attachés à mes études : revenez, revenez, vous êtes moi, aussi. Je ne suis pas uniquement mes études, je suis moi avant tout, et peu importe le narcissisme qui me rend si heureuse.
Des sacs et un carton à dessins traînent sous mes yeux, rapatriés de mon ancienne chambre.
C'est à s'émerveiller de la joie provoquée par les souvenirs qui s'y trouvent. Je suis tous ces souvenirs qu'il était inutile de combattre. Rien à caler de les accumuler, ils ne représentent plus aucun danger. Ils ne sont plus des tentations nostalgiques, ils ne sont que les preuves que ma vie est géniale.

Et que j'en veux encore.