jeudi 31 mars 2011

Les chansons d'amour

Il y a un peu moins de 5 ans, j'ai gravé une "compil" sur "CD" (ces mots existaient encore à peine, déjà à l'époque). J'y avais mis toutes les chansons qui me faisaient penser à lui, avec un petit fichier .txt pour accompagner et lui expliquer la raison de la présence de chaque chanson sur ce disque. Elles y étaient toutes, toutes les chansons d'amour, enchaînées à son souvenir pour des siècles de siècles.

Récemment, j'ai cherché à écouter des chansons qui ne soient reliées ni à lui à elle. Mamma mia, comme j'ai galéré. Il n'est pas passé en premier, mais il a quand-même tout raflé. Inclus le Grand Prix de l'Histoire qui se nourrit d'imaginaire musical.

Il y a environ 5 ans, j'étais entourée d'hommes, bien plus que maintenant. J'avais un meilleur ami, j'avais un frère, j'avais un protecteur paternel, j'avais un admirateur, j'avais un amant, j'avais un copain, j'avais le père de mes futurs enfants, j'avais un punching-ball, j'avais un futur mari, j'avais un confident, j'avais un futur collègue. Tous en un. Quand j'ai décidé d'arrêter de lui parler, je te raconte pas le bordel dans ma vie. Mes journées ont été raccourcies d'environ quatre heures, un putain de jetlag qui m'a bouleversée. Le pire sur la durée, ce furent les boucles musicales dans ma tête. Pas moyen de les arrêter. Les chansons d'amour tournaient en arrière-plan sans fin. L'imaginaire refusait de se dégonfler, l'enculé.

J'ai été vénère. Genre, non pas énervée. VNR. Genre comme quand tu maîtrises même plus ton niveau de langue tellement t'as envie d'enculer c't'enflure de sa race pas foutu de se casser d'ta vie putain mais j'vais lui niquer son père sa mère sa lâcheté et sa religion y va pas comprendre ce putain d'connard.
J'ai été désespérée. Mon coeur se soulevait chaque fois que l'interphone sonnait, et que ce n'était pas lui. Mon coeur se serrait chaque fois que je le voyais sur MSN, et qu'on ne se parlait pas. D'autres de mes mondes étaient tombés auparavant, mais je ne reconnaissais rien dans cette chute. Ni sa lenteur, ni la présence mes amies, et encore moins... de lui tenir la main pendant la chute. Le désespoir à deux.
J'ai été mesquine. PAMM pendant un an, regard ailleurs quand je monosyllabais en réponse à tes "bonjour". Je savais le mal que je te faisais, tu te souviens de cette phrase de Phèdre que je t'avais balancée : "si c'est à l'offense qu'on mesure la peine, jamais femme, seigneur, ne fut plus amoureuse" (de mémoire) ?
Surtout, j'ai été haineuse. Des années. J'ai engueulé mes amies qui t'avaient dans leurs contacts FB. Vengeance. Je me suis réjouie de tes échecs. Rage. Ce poids m'était... schwer (l'allemand à la rescousse), mais j'ai choisi de le garder longtemps. Peut-être pour me punir d'avoir cru aux chansons d'amour.

Mais un long cheminement, progressant plus par à-coups que progressivement, m'a amenée, un film et un rêve plus tard, à te dire ces mots : "Je te pardonne". (tu ne le savais pas, mais je m'adressais à moi aussi par ces mots, je me suis pardonnée de t'avoir fait ce mal). Ta réponse m'a fait exploser de pleurs joyeux. En 30 secondes, j'ai compris que notre histoire n'avait pas été une illusion et que tu ne m'en voulais pas non plus. J'ai plané 24 heures, réécoutant en boucle "Les promesses", celles que je pouvais enfin te tenir.
Je ne plane plus, je me contente de sourire à chacun de tes messages, heureuse que je suis de vivre dans un monde où nous sommes réconciliés. Où les promesses ont un sens.

Début de la fin du cercle de haine.

Je le promets.




dimanche 13 mars 2011

Ils courent comme si le mauvais sort pouvait encore les rattraper

J'ai un secret.

Quand j'ai arrêté l'athlétisme, après l'avoir à peine commencé, j'ai lancé la fabrique de la frustration. Je ne peux même pas expliquer la sensation que j'avais quand mes pointes se connectaient sur le tartan de la piste, et pourtant j'ai tué l'envie. J'ai pris mes deux mains, un peu à reculons quand-même, et j'ai étranglé l'envie. Pas d'un coup, pas parfaitement (personne ne tue de sang-froid comme ça). De la 3e à la Terminale, à chaque rentrée, je démarrais les entraînements, pour les arrêter quelques mois, puis quelques semaines, plus tard. Non, tu vois, c'est pas possible, les entraînements c'est après l'école le soir, je suis trop fatiguée, c'est dommage mais c'est comme ça.
L'école, c'est le plus important.

A chaque compétition que je vois, je me joue la même chanson. Que je rêve à m'en déchirer l'intérieur d'être à la place de ces athlètes. Le pire moment fut celui des Mondiaux de 2003 à Saint-Denis : au milieu du chaos de cet été-là, je m'accrochais à ma télécommande. Tous les matins me voyaient calée sur le canap', absorbée par les images de ces athlètes qui "courent comme si le mauvais sort pouvait encore les rattraper". C'est Régis Wargnier qui a mis les mots sur cette obsession, dans un docu qui m'avait complètement fascinée. Je m'étais sentie reliée à ces trois portraits d'athlètes, par quelque chose de l'ordre de la folie douce, cette idée fixe du dépassement. La différence, c'est que j'étais excellente à l'école. Alors le dépassement, c'est par l'école qu'il devait passer [j'ai écrit "pas l'école" ahah].
L'école, c'est le plus important, non ?

A l'école primaire, je ne travaillais jamais. J'ai très peu de souvenirs concrets d'avoir fait mes devoirs, ou d'avoir appris une leçon. J'ai juste eu la chance de naître avec une mémoire (ou un désir) monstrueusement développée. Ma mère, mon père, l'une explicitement et l'autre pas, m'ont passé leur frustration de l'échec scolaire. Au collège, un petit refrain m'a insidieusement pénétrée sans plus jamais me lâcher : "je fais ça pour mes parents, si ça ne tenait qu'à moi, je quitterais l'école". Bien sûr, c'était l'adolescence. On est toujours révolté contre ses parents à l'adolescence. On se dit toujours des choses absurdes.
Fuck, l'école c'est bien plus important.

Alors au lieu de m'imaginer reine des stades, j'ai bien dû déplacer le fantasme : être reine de l'école. Je me suis vue en mention TB, je n'ai eu "que" la B. Je me suis vue en admissible, je n'ai été "que" sous-admissible. Le plus ironique de tout ça, c'est que je sais avoir eu le niveau de tous ces putains de graal. Mais voilà, l'inconscient marche comme ça : pas de désir, pas de chocolat, et va crever si t'y croyais.
Bien sûr, depuis, j'ai eu le temps de comprendre qu'à vouloir être reine, des stades ou de l'école, on n'arrive qu'à l'insatisfaction. Le problème n'est pas d'avoir été couronnée. Il est d'avoir fait ce que je voulais ou pas : évidemment, je ne suis reine de rien, mais surtout, surtout, j'ai couru après la fabrique scolaire de la frustration.
Mais tout le monde sait bien que l'école, c'est tellement plus important que la frustration.

J'en ai énormément voulu à trois personnes pour lesquelles j'ai couru après les bonnes notes. J'ai voulu que ces trois personnes m'aiment pour mes résultats, j'ai voulu me grandir à leurs yeux, j'ai pensé leur faire plaisir. Ma mère, mon père, et le troisième, vous le connaissez. C'est celui pour qui j'ai cubé, en pensant que je réussirais le concours rien que pour ses beaux yeux. PM. Evidemment, j'ai passé mon temps en stratégies d'évitement et de contournement : j'ai commencé en Seconde à régulièrement foirer des devoirs pour cause de "bloquage" (mais qu'est-ce-que je fous ici ?), et j'ai foiré tous mes devoirs de spé histoire (mais putain il me saoûle à me surveiller), passer en L, aller en prépa cool, vouloir faire journaliste (bac+5) plutôt que vétérinaire (bac+8), et j'en passe. J'ai débordé d'imagination pour dire à l'école que je la trouvais...
... plus importante que tout, bien sûr.

Aujourd'hui, l'équation est simple. Je suis au pied d'un mur que j'ai tenté d'éviter toute ma vie : comment finir des études entre frustration et frustration ? La variable, c'est ma capacité à mourir pour faire ce dont je n'ai pas envie, une redite de la cube en somme. (là, en fond, Eminem chante en boucle "snap back to reality, oh there goes gravity"). Je crois qu'une des solutions de l'équation est le pardon. Comme toujours, mon fond chrétien à peine refoulé refait surface dans les moments de crise. Je devrais pardonner à ces trois personnes une faute qu'elles n'ont pas commise, et dont elles n'ont même pas conscience.
Le plus important, c'est d'avoir réussi à l'école grâce à eux.

Sauf que j'ai échoué. Non seulement, j'ai échoué à l'école, mais aussi à l'athlétisme et dans toutes ces autres vies que je me suis refusées au nom des études. Parce que la trouille de vivre ma propre vie a toujours pris le dessus. LaRage permanente est peut-être née là. Je continue de chercher son origine.

J'ai un secret : je déteste l'école.




jeudi 10 mars 2011

Tous les hommes de ma vie

Quand j'étais petite, je détestais la compagnie des garçons. Ce n'était même pas la peine d'en discuter, car j'aurais préféré mourir plutôt que parler normalement à l'un de ces specimens. Soit je vannais, soit je vannais. Le conflit comme mode de relation.

Il y a quelques semaines, sans vraiment le réaliser sur le moment, j'ai passé un cap dans ma révolution personnelle. Diane a dit : "Pauline, toi et moi, ça ferait une super coloc". J'ai ajouté : "On peut proposer à Will aussi !". Diane a répondu : "On préfère que ça soit une coloc de filles". Et pour la première fois de ma vie, la perspective d'être "entre filles" ne m'a pas réjouie.
Pourtant, ce n'est pas comme si je courais après la compagnie des garçons. Le collège non-mixte est loin de m'avoir vaccinée contre les aquariums féminins. Je suis passée en L, tout ça tout ça. Cf article ici (classe, la référence de moi à moi).

Moi et les garçons, c'est plus compliqué qu'une simple histoire d'attraction-répulsion. J'ai fini par comprendre, en tout cas je me plais à le croire, que je ne possédais pas entièrement les droits sur ces relations, de manière encore plus criante qu'avec les filles. Plus souvent qu'à mon tour, je me suis laissée surprendre par ces garçons qui avaient l'air d'accorder de l'importance à ma présence, alors que j'ai longtemps refusé d'en admettre même la possibilité : je croyais être soit transparente soit objet de désir, et ne voyais pas toutes les nuances possibles.
Sauf que, sans m'en rendre compte, j'ai progressivement baissé la garde. En recevant dans mes mains ce qu'ils me donnaient, en l'observant un peu circonspecte, en l'acceptant, j'ai moi aussi donné quelque chose. L'échange au lieu du conflit.

Et la séduction bien sûr, peut-être à mesure égale avec mon large éventail de séduction réservé aux filles. Je ne saurais dire qui des deux assiste le plus à mes grands numéros. Quelque part, c'est peut-être encore une volonté de domination. Mais bien foirée, dans ce cas : c'est eux qui se sont imposés à moi.
J'ai cru pouvoir l'éviter en le remplaçant par sa meilleure amie, mais il est revenu si frontalement que j'ai cédé.
Je pensais lui parler simplement pour rester proche d'elle, mais au final je lui parle plus qu'à elle.
J'avais toujours mis des gens entre lui et moi, mais il y a peu de temps ces barrières ont sauté.

Les hommes de ma vie sont ceux avec qui je ne voudrai jamais sortir. Au départ, je m'en suis assurée en leur collant une fille au cul à chacun, ou presque. Qu'ils sortent avec mes meilleures amies, qu'ils soient les complices pédés de mes potes, qu'ils soient des asexués entourés de filles, j'ai pris des garanties.
Et puis, plus rien. Mes "garanties" se sont révélées dans toute leur artificialité. Dévoilement de cette folie : j'ai des amis garçons.

J'ai juste accepté cette idée : ils sont les hommes de ma vie, sans que je sois la femme de la leur.