J'ai cette expression en tête depuis des jours. Elle me revient chaque fois que je me retourne sur une silhouette ou que je fronce le regard, tentant de voir qui ressemble tant à cette personne que je connaissais. Les petites morts ne sont pas celles de petites personnes, bien au contraire. Ce sont les morts des personnages secondaires, mais qui ont tant compté et que j'aimais, bien avant de pouvoir recontruire mes souvenirs d'eux. Récemment, c'est la petite mort de Françoise-la-grande qui m'a suivie de Marseille à Fontenay. Ce fut aussi le décès de Boulot, à qui je repense parfois.
Rien à voir avec les grandes morts, comme celle de ma grand-mère. Grande mort, grand-mère, finalement tout ça c'est pareil. Tout le reste n'est que petite mort, car je sais maintenant comment réagir pour ne rien regretter. Finies les excuses pourries pour ne pas aller à l'hôpital, place à présent aux allers-retours Paris-Marseille le jour de Noël, parce qu'il le faut bien. Les petites morts n'engagent pas de petites peines. Comment pourrais-je même mesurer et comparer ce qui n'est pas comparable, à tant de moments différents ? Les petites morts me montrent uniquement que je suis grande, un peu à la manière des dessins en perspective : en vrai, je ne suis pas plus grande, simplement je vois les événements d'un peu plus loin. J'ai mis de la distance en agissant, contrairement à mes anciennes paralysies.
La tristesse en est plus belle, car elle n'est pas parasitée par des interférences de regrets ou je n'sais quoi. Elle est davantage à la hauteur de l'affection et de l'amour que je portais à ces personnes. Même morte, Françoise avait donc encore de quoi m'apprendre.