(ou "Salembier, sors de moi !")*

Je me suis découvert une vocation, voire plus : un don. Quelques heures par semaine, je suis possédée par tous les profs marquants que j'ai eus dans ma scolarité. Je les mixe, j'en prends le meilleur, j'y rajoute mes défauts, je fais la tambouille, et je me transforme. Je suis la rigide Déchamp, l'exaltée Salembier, la bavarde Pierret, la "fasciste à visage humain" Mas.
Tout ça à la fois et plus encore, en un véritable défilé. Et j'adooooore ça.

J'avais déjà donné des cours particuliers quand j'étais au lycée, en 1e et en TL. Mes élèves étaient en 5e, 4e et 3e. Nous travaillions le français, les mathématiques et que sais-je encore. Je n'avais servi qu'à les maintenir à flot, parce que leurs difficultés me dépassaient, même si j'adorais quand, sur le coup, je parvenais à me faire comprendre.
Avec la prépa, j'ai laissé de côté toute idée de cours particuliers, sans pour autant renoncer à "jouer la prof" de temps en temps. Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis retrouvée en situation d'expliquer à mon père une période historique, à mes cousines une méthode pour un devoir, ou encore de passer une heure sur de la philo, etc.
J'aimerais avoir le monde entier pour élèves.

Cette année, je ne suis pas loin d'avoir un échantillon du monde entier. Je donne des cours pour deux sociétés (que je ne nommerai pas, même si je n'ai lu aucune clause d'exclusivité dans leur contrat ahah). Elles m'envoient aussi bien dans le 17e que dans la partie gratinée du 9-3. Sur mes quatre élèves actuels, nous avons :
* un petit riche adorable, mais sans difficultés, pour des cours de latin de 4e ;
* un petit Noir de Bagnolet, perdu dans les mathématiques de 6e ;
* un petit original en 5e, ventousé à sa mère, et qui n'hésite pas à me reprocher mes méthodes fascistes ;
* une 1e S fadasse en banlieue paisible, dont j'essaie désespérément d'accroître le vocabulaire.

J'aime tellement faire ça, que me faire payer moitié moins par-rapport à des élèves trouvés sans intermédiaire, ça ne me dérange (presque !) pas. On verra bien si j'arrive à combiner ça longtemps avec mon (double ?) master. Au pire, si je dois réduire le nombre d'heures, je chercherai des cours mieux payés moi-même. En revanche, je n'envisage même pas de faire autre chose à la place.
A priori, je ne suis pas sur la rampe de lancement du professorat. Il faudrait pour cela passer des concours qui ne se superposent pas facilement aux études que j'ai envie de faire. Si l'occasion se présente, peut-être que je tenterai ma chance, avec toujours en tête l'idée qu'aucun métier au monde ne me divertira seul pendant quarante ans. Il me faudrait plusieurs vies pour toucher à tout ce qui m'intéresse.

Toujours est-il que, pour l'instant, expliquer à une danseuse le commentaire linéaire d'un texte de Rabelais, faire réciter ses déclinaisons à un futur normalien, ou voire apparaître le sourire de l'illumination mathématique, c'est mon moment préféré de la semaine.

* En souvenir de la 4e Rouge et du dernier rang.