Il y a environ dix ans, les équilibres étaient précaires. Toutes les gouttes auraient pu faire déborder le vase, et toutes les gouttes ont fait déborder le vase. Tout était à fleur de peau. Les années qui ont suivi ont consisté à reconstituer les trous dans la peau que je m’étais faits, ou que d’autres m’avaient faits. Je me souviens des heures à pleurer et à sentir le sol se dérober sous mes pas quand il me faisait comprendre que nous ne pouvions plus être ensemble, mais qu’il fallait que nous soyons ensemble pour qu’il puisse me le faire comprendre. Les contradictions à n’en plus pouvoir me déchiraient. J’ai passé tellement de temps à faire émerger quelqu’un de bien de toutes ces chutes. Il y a environ dix ans, j’ai fait la plus grande chute, je suis retombée souvent après, j’ai parfois cru que les trous dans la peau étaient définitifs. Ils le sont peut-être un peu quelque part, cachés sous la peau qui a repoussé. Ce temps me paraît à la fois loin et si proche, juste là sous la peau. Je sais que c’est les deux à la fois. Ce sont ces chutes qui m’ont modelée. La personne qui m’aime à présent aime tous ces trous dans la peau, à travers la peau qui a repoussé. Je suis une.