samedi 10 septembre 2005
C'est définitif, je suis sortie de ma carapace.
Un mail de Sarah et je pleure comme une madeleine.
Ca fait 18 ans que je n'en étais pas sortie.
(Le titre est volontairement pathétique.)
(Ah oui, aussi, pour les élèves de ma classe d'hypo, je remets les prénoms en entier.. Ils ne sont pas des initiales)
Maëlle a été acceptée à l'IEP de Rennes. J'ai crié "C'EST GENIAL", en comprenant aussitôt après pourquoi Sarah pleurait en m'annonçant la nouvelle.
Il n'y aura plus d'hypokhâgne, il n'y aura plus de nous fusionnés.
Coline
Sarah
Maëlle
Marion
Fatima
Nicolas
Comme une envie de répéter ces prénoms, de les scander, jusqu'à ce qu'ils perdent leur sens. De les hurler, peut-être, en pensant que ça nous fera revenir tous ensemble.
Comme une envie de reprendre Sarah dans mes bras, de ré-écouter "Depuis toujours" de Louise Attaque, de refaire le chemin vers la Fête de l'Huma avec elle. Mais cette fois, lui dire tout ce qui hurlait en moi, et ne pas me contenter de pleurer. J'aurais aimé ne pas me contenter de mes sourires embués et de mes "Ca va passer".
Evidemment que ça va passer, évidemment qu'on la fera cette année, même à distance les uns des autres. Comme si on avait le choix.
Mais on sera moins forts.
Mais on rira moins.
Mais on se défoulera moins entre nous.
Louise Attaque nous chantait "Dis, est-ce-que tu penses qu'il faut arrêter là ?" ("noon" dixit Sarah) "Dis, qu'est-ce-que tu vois ? Est-ce-que nous deux, c'est immense ?" (ça l'était, et ça le sera) "Le tour du monde, ça je sais faire" (oui mais pas toute seule) "Les jours ne sont pas éternels" (ni l'hypo)
Il y a eu l'après-midi qui a commencé au Quick, et qui a fini dans mon lycée (enfin, celui de mon hypokhâgne). Non je ne pourrai jamais en décoller, tant que mes amies y seront. Non je ne pourrai pas en décoller, tant que Coline et moi parlerons. Non, je ne partirai pas de la cour de récré qui prend des dimensions d'infini, non je ne quitterai pas la 302 et les fous rires qui la hantent. Il a juste fallu que Sarah appelle "Alors Marine, tu viens à la Fête de l'Huma ?" pour que je me décide à partir.
Partir oui, mais pour retrouver mes amies.
Et cette soirée à la Fête de l'Huma, Sarah arrivant en pleurs comme je l'ai dit. Tout le trajet à nous deux, les non-dits, les regards, les pas côte à côte, un chemin parallèle parce qu'on ne s'éloignera jamais. Parce qu'on est attachées (au sens fort du terme) l'une à l'autre. Les uns aux autres. Et puis rejoindre Nicolas, une fois arrivées sur place.
C'est un moment étrange et insaisissable celui où on sent tout à coup, où on sait, qu'on peut tout dire. Le moment où j'ai définitivement été apprivoisée. Je sais que c'était aujourd'hui, mais je ne saurais pas exactement quand. Etait-ce quand Coline m'a dit "Mais pourquoi tu leur en parles pas ? Ce sont tes amies !" ? Etait-ce quand Sarah a dit "Je dois faire le deuil de mon hypokhâgne", ce qui est à peu près ce que je ressentais aussi ? Etait-ce quand on s'est posés dans ce coin reculé de la Fête pour parler de choses plus et moins sérieuses ?
Toujours est-il que j'ai parlé, moi aussi. Et malgré mes gros sabots, j'ai pu dire des choses, un peu. J'étais même prête à en dire plus, si j'avais continué sur ma lancée. Mais pas trop d'un coup. Même si ça fait un an jour pour jour que l'on s'est parlé pour la première fois, un an que l'on ne s'est pas quittés, et un an qu'il a fallu pour m'apprivoiser totalement.
Alors, oui, Maëlle, même si tu ne liras sûrement pas ça, tu vas nous manquer, me manquer. Tout comme Fatima et Marion me manquent, tout comme mon lycée me manque déjà.
Marion Maëlle Sarah Fatima Coline Nicolas
Mais parfois, il y a des projets. Une année de fac, une colocation à trois. Une vie qui recommencera.
On pourra "faire le monde ensemble".