Un cahier traine dans mes affaires. J'y ai écrit peu de fois, sept fois précisément, à intervalles très irréguliers, mais je n'avais jamais réalisé la cohérence de ce qui s'y trouve jusqu'à aujourd'hui. Du 25 juillet 2008 au 3 février 2010, j'ai décrit l'arrivée et l'installation du chien noir. Au-delà des cahots et du bordel de la vie, j'ai compris quelque chose tout à l'heure en relisant ce cahier sans oeillères.

Dans le cahier du chien noir, je parle beaucoup de mes 16 ans. C'est vrai que s'il y a un premier jour du reste de ma vie, il est bien à 16 ans. Mais dans ce cahier, ce qui m'intéresse, ce n'est pas la nostalgie de cette époque, c'est la matrice qui se cache derrière. Je m'y demande à plusieurs reprises pourquoi le moteur tournait à 16 ans et plus à 21.

Dans le cahier du chien noir, je parle de pardon, comment il m'est impossible de l'accorder. J'avais complètement oublié que j'avais écrit cela. Mais j'ignorais, en écrivant ces mots, qu'il existait plusieurs sortes de pardon, certains plus simples que d'autres. On m'a dit il y a quelques temps que j'étais bien plus indulgente avec mon père qu'avec ma mère.

Dans le cahier du chien noir, je finis par ne pas faire de lien entre les différents textes. Je décris un moment, sans réaliser qu'il forme un ensemble avec ce qui le précède. Je me perçois comme un patchwork, sans voir l'ombre du chien noir derrière chaque mot, qui pend à chaque virgule, et saute à chaque apostrophe.

But I know better now. J'ai relu l'ensemble en commençant par la fin, ce qui a retracé, mot après mot, trait après trait, le dessin du chien noir. J'ai refermé le cahier sur cette image. Elle ne me quitte plus maintenant que j'ai la certitude de son existence.