A en croire les premières semaines, je n'aurais rien parié là-dessus, et pourtant, l'incroyable s'est produit. Je me suis quasiment intégrée à mon nouveau lycée. Enfin "nouveau", en janvier, je ne sais pas si on peut encore dire ça.. Comme quoi, je ne suis pas un cas désespéré d'asociabilité.
Comme le dirait mon ancien prof de philo "oh, 4 mois d'acclimatation, ça vaaa.."

Comme je l'ai déjà beaucoup dit depuis la rentrée, passer à F. m'a fait l'effet d'un choc culturel assez violent. Etudier hors de Montreuil, à plus forte raison dans le 6e arrondissement, parmi des gens très loin de vivre en HLM, dans un lycée où je ne connaissais quasi-personne, était une raison suffisante pour vivre "un grand moment de solitude" (sans écarter la part d'ironie de cette expression).
Je ne parlais qu'à JB le matin, et par extension à ceux à qui il parlait : son copain, et les amis de son copain. Et je ne crache pas dans la soupe. C'était vraiment non-négligeable d'avoir des liens garantis avec certains élèves. Mais c'était comment dire.. restreint.

Alors je me suis fait violence, vraiment. J'ai parlé à des gens dont la tête ne me revenait pas du tout, MAIS ALORS PAS DU TOUT. J'ai mis de côté le délit de faciès dont je faisais preuve, j'ai sauté sur chaque occasion de parler à quelqu'un ("Hey toi, tu connais pas une certaine Flora ? Je l'ai croisée à Beaubourg et elle m'a parlé de toi !").
En parlant avec mes anciens profs, dont deux sont aussi passés par F., je me suis dit que c'était dommage de traverser cette année comme une comète, sans même m'être arrêtée sur les gens que j'aurai fréquentés un an tout de même.
Et comme d'habitude, je me suis aperçue qu'on gagne toujours à découvrir ce qui se cache derrière les façades. Surtout en parlant à des gens que je n'aurais jamais eu l'occasion de fréquenter autrement.

Autrement dit, je me suis mise à parler avec des personnes tellement érudites qu'elles viennent probablement de milieux aisés, avec des personnes qui habitent Versailles (haut-lieu du prolétariat, comme chacun sait, hum), avec des élèves qui se proclament libérales, avec.. Ca ouvre l'horizon, je dois avouer.
Enfin, je garde mes idées, il ne faut pas déconner. Mais se frotter à des opinions différentes apprend à ne pas considérer les siennes comme évidentes.

Enfin plus que tout, je regrette un peu quelque part, d'avoir mis autant de temps à faire ce travail de sociabilisation : fréquenter le CDI, dire bonjour, faire des sourires, dire quelques plaisanteries par-ci par-là, rendre quelques menus services. Me concentrer sur ceux qui sont en spé philo avec moi, toujours d'après les conseils de mes profs, et encore d'après eux, faire le tri entre les prétentieux-réellement-cons et les prétentieux-juste-en-apparence.
C'est comme ça qu'on se retrouve à parlotter avec celui qui passait devant moi sans me voir, sur le quai du Rer. Comme ça que certains s'assoient volontairement à côté de moi en cours.

Ca a commencé tout doucement, pourtant. Lentement mais sûrement. Curieusement, celle avec qui je m'entends le mieux est aussi celle avec qui je pensais le moins parler, tant elle m'exaspérait à répondre à toutes les questions du prof de lettres. C'est en fait une des plus gentilles et avenantes. Comme quoi.
Celle avec qui ça a surtout commencé est en spé philo et allemand avec moi. Je ne sais même pas pourquoi elle est venue à moi. Mais un peu grâce à elle, je me suis lancée sur la voie de la sociabilisation. Ca n'a rien à voir avec l'an dernier, mais tout de même, ça change mon quotidien là-bas.
Lentement mais sûrement.

J'ai pris mes marques dans les lieux, je suis devenue sociable, mes notes ne sont pas trop basses.

Peut-être qu'à la fin, je vais me retourner et dire que j'ai passé une bonne année à F. Tout peut arriver.