On survit à tout.
Ce n'est pas une règle de vie pour relativiser ou feindre l'indifférence. C'est un principe positif, une sorte de vérité absolue appliquable en toutes situations, et que j'ai réalisée à force de croire que je m'écroulerais pour un oui pour un non. A force de crier au loup, on finit par ne plus y croire. Si souvent, j'ai été persuadée de l'Apocalypse pour demain, si souvent, tout ce qui se produisit ne fut qu'un pétard mouillé.
Je ne crois plus au malheur infini, en tout cas pas au mien.

Il suffit parfois de pas grand-chose pour arrêter de tourner en rond, et abandonner la douleur spéculaire. Je ne sais pas ce qu'est ce "pas grand-chose", ni même si je ne l'ai pas inventé de toutes pièces. Toujours est-il qu'on se lasse des drames extraordinaires, comme de tout en fait.
Je ne suis pas une tragédienne. Le banal est mon domaine, l'infra-ordinaire de Pérec. A peine me sens-je me prête à subir de nouveau les foudres des drames ordinaires, mais c'est encore trop pour moi.

Je rêve du quotidien qu'on traverse les yeux fermés, pour mieux se préoccuper du reste. Le reste, ce sont ces personnes qu'on oublie à force de s'occuper de soi, ce sont aussi les projets extra-ordinaires, perpétuellement minés par la difficulté d'accomplir les plus petits gestes de base.
Mais un jour, on en a marre de ça. "On se lasse de tout, mon ange", et comme ce monomaniaque de Rhett l'avoue en fin de parcours : "Frankly my dear, I don't care". La force revient. Peut-être que je me suis endurcie, qu'il ne reste plus la moindre partie de mon corps qui puisse croire au désespoir.

Au fond, j'ai toujours su que j'étais plus forte.

[ Bande Son ]